Rétro : Paris-Pékin à vélo 2008, la croisière verte (épisode 16)
A la découverte du Kirghizistan
Etape 77 : Campement à 1 900 m – Kegen
Jeudi 12 juin 2008
58 km – Dénivelé : 434 mètres
Départ : 7 h 45 – Arrivée : 15 h 30
KIRGHIZISTAN – KAZAKHSTAN
Notre dernière nuit s’est passée en bivouac à 2 000 m d’altitude, au milieu d’un parc naturel et au centre d’une prairie envahie par les edelweiss. Nous les avons admirés, photographiés et laissés en paix.
Pour entrer en Chine, nous avions deux possibilités, soit passer directement du Kirghizistan en Chine par des cols à plus de 4000 m et avec de mauvaises routes, soit revenir au Kazakhstan, descendre dans la plaine et passer la frontière. Nous avons choisi la deuxième option. Nous avons donc retrouvé le Kazakhstan ce soir, un peu comme si nous retrouvions nos habitudes. L’étape fut courte mais rendue très pénible par plus de quarante kilomètres de piste et un vent défavorable.
Nous avons laissé en Khirghizie, notre guide Sacha et malheureusement Yves-Marie Marchais, membre du staff d’encadrement, a du être rapatrié en France pour raison de santé. Nous lui souhaitons au nom de l’ensemble du groupe un prompt rétablissement.
Nous préparons avec sérieux, mais avec une certaine crainte, notre passage en Chine prévu pour lundi prochain. Actuellement, toutes les situations sont envisagées mais nous sommes confiants.
Le témoin du jour est :
Régine Ferrand du vélo-club d’Annecy (74) Haute-Savoie.
« Pour ce voyage, j’avais trois objectifs : atteindre Odessa, arriver au Kirghizistan et revoir la Muraille de Chine. Odessa pour moi était la fin de l’Europe et la rencontre avec la Mer Noire. Le Kirghizistan c’était les montagnes, les troupeaux de chevaux, le grande nature et les cols à plus de 3 000 mètres. Ces deux objectifs ont été atteints et je suis comblée. Enfin la Muraille de Chine parce que j’ai été très impressionnée par cette construction et ce travail hors du commun, lors de mon premier voyage en novembre 2004.
Depuis quelques jours, pour des raisons techniques d’organisation, nous avons beaucoup parlé de notre passage en Chine. Je dois dire que je suis inquiète mais je sais aussi que toutes les démarches ont été entreprises pour la suite de l’expédition. Je dois maintenant me motiver, car le 3 août me semble encore bien loin et ma seule pensée doit être mon objectif : Pékin. Mon « fan-club », mes enfants, ma famille, mes amis, mes ex collègues de travail, comptent sur moi. Avec l’aide de mon mari Michel, je souhaite impérativement finir ce très long voyage. »
Etape 76 : Karakol – Campement à 1 900 mètres
Mercredi 11 juin 2008
81 km – Dénivelé : 533 mètres
Départ : 8 h – Arrivée : 15 h 30
KIRGHIZISTAN
Labeur et splendeur
Pour notre dernière étape au Kirghizistan, nous avons été vraiment gâtés. Un départ en plaine avec toujours cette même impression d’abondance, de labeur et de sérénité, puis une élévation douce et progressive, enfin un sérieux effort pour atteindre les 1 900 mètres. Effort d’autant plus ardu que dans les derniers 20 kilomètres, un fort vent violent de face, descendant dans la vallée est venu contrarier notre ascension. De ce fait, le pique-nique a été avancé et les cyclos arrivant en ordre dispersé ont apprécié les sapins et l’ombre pour prendre un long repos pendant l’heure du repas.
À 15 h 30, les camions ouvrant la marche, nous grimpons tous les derniers hectomètres pour atteindre le bivouac, au cœur de la nature, et au bord d’un torrent. Encore une image de carte postale, mais en relief, sonore et odoriférante. Au loin des troupeaux de chevaux regagnent la vallée, le coup d’œil valait le déplacement. Pour faire encore plus vraie, la montagne nous arrose de ses gouttes d’eau. Le bivouac installé, le repas préparé, un exposé sur la Chine est organisée par Henri Gaulard, et le président fédéral nous confie ses derniers mots d’encouragement avant son départ demain. Reviendrons-nous au Kirghizistan? L’avenir le dira. Secrètement, nous le souhaitons tous.
Le témoin du jour est :
Henri Alméras demeurant à Villefort (48) Lozère.
Quelles sont vos impressions sur le kirghizistan que nous quittons demain ?« Un pays très intéressant du point de vue touristique, compte tenu de la présence de la montagne, ce qui apporte un plus par rapport à la steppe. Toujours le même accueil chaleureux et bruyant des enfants aux magnifiques sourires, présents au bord de la route et qui regardent avec curiosité et étonnement les petits hommes rouges venus d’ailleurs et de très loin.
Salam ! L’accueil des hommes et des femmes, en particulier dans la campagne est également très chaleureux et nous pouvons même lire dans les regards un certain respect pour les cyclotouristes. Le niveau de vie est certes moins élevé qu’en Europe, mais nous ne sommes pas certains que les gens soient moins heureux. »
Pourquoi roulez vous en couple ?
« Nous pratiquons le cyclotourisme depuis notre mariage -40 ans et pas de voiture – et il n’y avait aucune raison que nous ne partions pas ensemble. Partir pour Pékin est une décision mûrement réfléchie, prise d’un commun accord. Depuis notre départ de Paris, nous n’avons jamais douté malgré les difficultés réelles des 8 000 premiers kilomètres et nous sommes persuadés que sauf accident nous serons tous les deux, en amoureux, sur la muraille de Chine.
À travers cette expédition, nous sommes fiers et heureux d’être les deux seuls représentants du département de la Lozère et les couleurs languedociennes sont ainsi présentes dans ce peloton international. »
Etape 75 : Tihaï Bukta – Karakol
Mardi 10 juin 2008
94 km – Dénivelé : 474 mètres
Départ : 8 h 15 – Arrivée : 14 h 15
KIRGHIZISTAN
Au revoir lac Issy Kül
À regret notre étape nous conduit après une cinquantaine de kilomètres, loin des rivages du lac Issy-Kül, dont un des bras se termine à Karakol, mais à quelques kilomètres de la ville. Ce lac a été un enchantement pour tous : eau « bleue caraïbes », plages de galets ou de sable ocre, rivage accueillant. Et pour finir, à notre droite le majestueux glacier Ogour Bachy : traduction « la tête de taureau », qui culmine à 5 226 mètres !
L’étape a été attrayante, avec de larges routes ombragées mais en assez mauvais état. La campagne verdoyante et les nombreux canaux d’irrigation assurent des récoltes de toutes sortes.
Notre hébergement se situe en centre-ville. Il s’agit d’un camping, avec plusieurs possibilités d’hébergement : yourtes, tentes, bungalows, maisonnettes. L’habitude est prise, tout le monde est au lit à 21 h 30 ! Les organismes ont besoin d’un maximum de repos, pour récupérer.
Le témoin du jour est :
Alain Labialle, des cyclos randonneurs Lourdais dans les Hautes-Pyrénées (65).
« En tant que capitaine de route de l’un des 5 groupes, ce sera une grande satisfaction de pouvoir amener, dans les meilleures conditions possibles, les cyclos à Pékin. La difficulté de mon poste n’est pas uniquement physique. J’ai cependant perdu 7 kg !
De plus, chaque jour, je dois veiller à la cohésion des 5 groupes, avec l’aide des 4 autres capitaines de route et assurer la coordination avec les services de police. Chaque matin je dois étudier la carte et prévoir le site du pique-nique : si possible un endroit intéressant sur le plan touristique ou culturel.
Dans la journée, chaque groupe, dans la mesure du possible, est autonome. L’entraide et la solidarité s’organisent en fonction des aléas de la route. Rien n’est prévisible et nous devons nous adapter en permanence. Il n’est pas question de laisser un seul cyclo sur le bord de la route. Quelques kilomètres avant l’arrivée, je suis chargé de mettre en place le regroupement général, afin d’entrer dans la ville en toute sécurité avec l’appui des services de police et prévenir la logistique de notre heure d’arrivée, afin que tout soit en place pour faciliter l’accueil et le repos des cyclos. Ma responsabilité est passionnante, malgré la lourde charge de pédalant et d’organisateur. »
Etape 74 : Kaji Saye – Tihaï Bukta
(Yourte au bord du lac)
Lundi 9 Juin 2008
28 Km – Dénivelé : 74 mètres
Départ : 10 h – Arrivée : 11 h 30
KIRGHIZISTAN
Une yourte c’est quoi ?
Venir en Asie centrale et ne pas passer une nuit dans une yourte est comme venir à Paris et ne pas contempler la tour Eiffel !
Notre programme a donc prévu de passer une nuit dans cette maison de nomade. Jamais un groupe de 120 routards n’a traversé ce pays et dormi dans ce type d’hébergement. Le maximum de logis dans un campement est de 8, soit une capacité de 30 à 40 personnes. D’où notre obligation de trouver trois camps. Ces haltes étant prévues pour des cavaliers ou des randonneurs pédestres sur une distance d’une trentaine de kilomètres, nous avons donc initié notre petit monde à la nuit Mongole pendant trois étapes, une partie en yourte, le reste sous nos tentes.
Le soleil éclatant de luminosité nous enchante du lever au coucher et nous dessèche « les gosiers » de 12 h à 15 h ! Heureusement, la nuit à la belle étoile est radieuse. Petite anecdote, aujourd’hui, lors de l’installation du campement au bord du lac, nos deux camions de 20 tonnes se sont ensablés et un tracteur a été dépêché, pour les sortir de ce mauvais pas !
Le témoin du jour est :
James Mara du cyclo club de Guyancourt (78). Capitaine de route du groupe rouge.
« Je souhaite parler de ce que représente pour moi, la différence entre le projet et la réalité de Paris–Pékin. Ces deux mots représentent 12 330 km ! Des heures de vélo à travers deux continents gigantesques, l’Europe et l’Asie. Des rencontres avec des peuples, où les racines et les us sont les bases simples du mode de vie, où le passage de l’étranger est considéré comme un honneur et une fête. Grâce à cette expédition je mesure le gouffre qu’il y a entre ce que j’ai lu, ce que j’avais imaginé et ce que je vis. Je ne connaissais pas la plupart des pays que nous traversons et je constate avec plaisir que l’accueil, la gentillesse, le sourire sont vraiment des valeurs de l’Europe centrale et de l’Asie. Tous les jours, l’improvisation dans l’organisation stricte est indispensable.
L’adaptation doit être permanente, rapide et efficace. Je ne pensais pas, par ailleurs, rencontrer autant d’animaux sauvages dans ces immenses territoires traversés : des vipères, des lézards à crête, d’énormes grenouilles, des papillons, des tortues, des marmottes au pelage magnifique, des bouquetins, des chameaux et de nombreux oiseaux. Corneilles grises et noires, merles tricolores, blanc, gris et noirs, des rapaces dont des aigles sauvages (7 observés et identifiés, 5 au kazakhstan et 2 au Kirghizistan ).
Je découvre également, dans ce Paris-Pékin, la solidarité entre hommes, femmes et couples. Au départ chacun vivait pour soi et dans son petit espace d’égoïsme, au bout de trois mois, chacun fait plus attention à l’autre, la difficulté de l’un, devient un peu celle de tous. Je n’avais jamais vu la vie collective (des adultes) sous cet angle et cela sera pour moi une de mes grandes découvertes de ces mois passés ensemble, dans la difficulté, l’inconfort, la souffrance, l’inexpérience. La vie communautaire a remplacé la vie de l’individuel forcené.
Mon souhait : que l’aventure à vélo continue ! Un petit clin d’œil aux écoles de Loubressac (46) et Montigny-le-Bretonneux (78) »
Etape 73 : Kara Tala (Lac Issik köl) – Kaji Saye
Dimanche 8 juin 2008
76 km – Dénivelé : 608 mètres
Départ : 7 h 45 – Arrivée : 14 h 30
KIRGHIZISTAN
On ne reçoit pas la sagesse, il faut la découvrir soi même, après un trajet que personne ne peut faire pour nous, ne peut nous épargner, car elle est un point de vue sur les choses.
Marcel Proust
La Sérénité
Après 73 étapes et plus de 8 000 km nous découvrons depuis quelques jours ce magnifique pays qu’est le Kirghizistan, nous vivons dans un espace et dans une ambiance particulière. Les chaînes de montagne qui dominent ces vallées immenses, et le lac Issik köl sont le reflet de la nature à l’état originel.
Nous découvrons un pays qui, par bonheur, est restée vierge. Les nomades sédentarisés, ne sont manifestement pas attirés par cette étendue d’eau qu’est le lac Issik Köl. Aussi aucun aménagement sur la rive et aucun bateau sur les flots ne viennent contrariés cette nature. Aucune agression dans le paysage, peu de villages, donc très peu de circulation, tout est calme et serein.
C’est dans ce contexte, que nous prenons conscience de notre propre sérénité qui règne sur l’ensemble de notre caravane. Les tensions dues à la fatigue et à une organisation communautaire indispensable ont disparue. Chacun a pris ses marques et tout se déroule calmement et paisiblement, dans la bonne humeur.
Il aura fallu beaucoup de difficultés et du temps, quelques tensions aussi, pour que ce groupe hétéroclite au départ, devienne homogène. Ces deux derniers mois de route, doivent nous permettre, non seulement de découvrir la Chine, mais de vivre une aventure humaine apaisée et riche dans l’approche des autres.
Nous voulions connaître également, en quelques mots, le point de vue de Dominique Lamouller, notre président fédéral, qui pédale quelques jours avec nous.
« Plein les yeux » a été son premier cri à la descente du vélo !
Au départ de l’étape de Kara-tala, ce matin, la sortie de l’école fut buissonnière. Comme chaque jour les groupes ordonnés prennent la route et très rapidement s’éparpillent ! Il en sera ainsi toute la journée. Les appareils photos deviennent plus importants que le vélo. Devant les sites merveilleux du lac Issik kôl, c’est vraiment une journée magique pour les cyclotouristes. Quel dommage de ne pas pouvoir continuer avec vous… !
Notre témoin du jour est :
Baque Vidal Hermina, infirmière de l’expédition.
Hermina pouvez vous nous dire en quoi consiste votre responsabilité ?
Ma journée se décompose en deux parties bien distinctes : dés le matin, je suis présente dans le véhicule de sécurité et d’assistance, de 7 heures à l’arrivée, vers 14 heures en moyenne, quelquefois beaucoup plus tard, pour apporter, sur la route, un secours ou une aide immédiate aux cyclotouristes : donner de l’eau quand il fait chaud, offrir du café chaud quand il fait froid. A chaque arrêt, les cyclos fatigués viennent me demander quelques conseils ou des médicaments pour des maux classiques dans ce genre d’expédition. Puis à l’arrivée, commence réellement mon travail d’infirmière. Je dois assurer une foule de petites actions, pour soulager ou réparer les blessures de la journée. Assurer les pansements, fournir de la pommade, donner des cachets. Chaque soir je suis occupée trois ou quatre heures pour écouter et proposer des soins. Les cyclotouristes ont besoin de conseils. La fatigue du jour est très variable selon le temps et le profil de l’étape. Je dois ajouter que les cyclos sont toujours très aimables et gentils avec moi. Ce sont de très bons malades et ils suivent scrupuleusement mes conseils ou mes instructions.
Etape 72 : Kemin – Kara Tala (Lac Issik köl)
Samedi 7 juin 2008
110 km – Dénivelé : 716 m
Départ : 7 h 10 – Arrivée : 15 h 30
KIRGHIZISTAN
Lac et montagne
Encore une étape splendide, découpée en 3 parties. Au départ toujours la même large et riche vallée de Tchin-Kemin, puis le franchissement d’une splendide gorge creusée par la rivière Tchou. c’est la troisième plus grande rivière Kirghize, qui grimpe pendant 33 km et nous propulse à 1 620 m et enfin l’arrivée et la découverte du bassin du lac Issik Köl. Un vent assez violent, de face, a rendu cette étape beaucoup plus difficile que prévu.
Le temps est orageux, mais nous sommes passés sans trop de dommage à travers les gouttes. Ce ciel nuageux, tempère la chaleur et comme nous terminons en altitude, il fait frais ce soir. Pour le moment nous avons aperçu le lac de loin, notre logement se situe dans une école à proximité. C’est devenu une habitude, nous préparons nous-mêmes le repas. Ce soir nous avons à notre table deux jeunes motards du Limousin et de Touraine, qui, partis de Pékin, rejoignent la France. Ils sont à la fois surpris et très admiratifs de notre périple. Prendrons-nous un jour la grosse tête ?
Le témoin du jour est :
Alain Labeyrie de Cholet Vélo-Sport dans le Maine-et-Loire (49).
« Je découvre la Kirghizie, pays magique et magnifique de par ses montagnes. L’altitude moyenne du pays est de 3 000 mètres. Ce soir en arrivant près du lac, j’ai été émerveillé par les couleurs : Le bleu du lac, le blanc des montagnes coiffées par des neiges éternelles enfin l’ocre des champs de seigle.
Ici, le cheval est roi. C’est l’époque de la transhumance et nous avons souvent été stoppés par d’immenses troupeaux de moutons, de chèvres et même de chevaux. Tous les bergers se tiennent fièrement et naturellement sur leurs magnifiques chevaux. Les enfants, filles ou garçons, dès leur plus jeune âge montent à cru.
Les habitants, notamment en montagne, vivent encore dans les yourtes et continuent la tradition nomade. Je découvre également deux mondes : la ville et la campagne. La différence entre la vie urbaine et la vie rurale est considérable, la capitale Bichkek en étant l’exemple type est aux standards européens alors que la campagne nous semble encore, dans certains cas, au XIXe siècle.
Mon plus grand souhait serait que, les écoliers qui me font l’honneur de suivre mon périple, puissent vivre plus tard les mêmes émotions que me procure ce Paris-Pékin. D’ores et déjà je peux leur annoncer que j’ai de merveilleuses histoires à leur raconter. Rendez vous en septembre! »
Etape 71 : Bishkek – Kemin (1 123 mètres)
Vendredi 6 juin 2008
106 km – Dénivelé : 500 mètres
Départ : 7 h 15 – Arrivée : 14 h 30
KIRGHIZISTAN
Le but c’est le chemin
René Char
La remontée vers les sommets
Dès le départ, l’ambiance est excellente. Le jour de repos a été savouré, le temps est frais, car le ciel est nuageux. Globalement tout le monde est en forme. Nous avons le plaisir d’accueillir parmi nous notre Président Dominique Lamouller qui, naturellement s’intègre au groupe pour le plus grand bonheur des participants.
Pendant plus de 100 km nous remontons la rivière Tchou qui coule dans une vallée large d’une vingtaine de kilomètres et bordée par des chaînes de montagnes aux neiges éternelles de plus de 4 000 mètres.
Côté décor, c’est le summum. Côté nature également : l’eau, la terre et le soleil contribuent à une production très abondante de seigle, de maïs, de blé et d’arbres fruitiers.
Nous croisons les premiers camions chinois qui inondent sur le pays des produits manufacturés de toutes sortes. Après un passage au bazar de Bischkek, ils repartiront au Kazakhstan et dans les autres pays de l’Asie centrale. Pour avoir utilisé ce bazar pour nos achats, nous pouvons vous confirmer l’immensité de celui-ci et l’activité incroyable de ces milliers de petites boutiques. Tout se trouve ici, il suffit simplement de savoir où. Là est toute la difficulté pour les non initiés.
L’arrêt pique-nique s’est fait au km 80 et notre hébergement est assuré dans l’école du village. Avant de se reposer, il a fallu ressortir des camions toutes les tentes encore humides depuis notre départ du bivouac en montagne.
Le témoin du jour est :
Pierre-Marie Werlen du club : Côte de nacre cyclo – Luc-sur-Mer dans le Calvados.
Je suis ravi d’être le témoin du jour le 6 Juin, car je suis président d’un club qui regroupe de nombreuses communes où a eu lieu le débarquement du 6 Juin 1944, sur les plages de Juno-beach. Cela me permet de saluer notamment les soldats Américains, Anglais, Canadiens, Français et autres qui se sont sacrifiés pour que nous puissions 64 ans plus tard rouler tranquillement en Asie Centrale.
Je dois aussi exprimer mon sentiment de bonheur et de plaisir à participer à cette expédition. Je découvre des paysages inconnus et somptueux, des visages radieux, en particulier ceux des enfants. Une curiosité réciproque, permet un contact facile. Nous sommes à égalité de regard et la relation est équilibrée. Chacun est une étrangeté pour l’autre. Le cyclotourisme, comme la marche, facilite la relation humaine, à portée de tous.
Heureux aussi de découvrir dans le groupe des hommes exceptionnels, dont les qualités humaines permettent de partager des moments forts et inoubliables.
Heureux enfin, car vis-à-vis de moi-même ce voyage me permet de me découvrir. J’avais beaucoup d’appréhension, avant de franchir les deux grands cols a plus de 3000 m, moi qui à mon palmarès n’avait que quatre cols à moins de 1000 mètres, ce handicap me «bouchait l’horizon » et j’étais inquiet de ne pas pouvoir passer cet obstacle. Le fait d’avoir franchi ces cols, m’a totalement libéré et simplement j’envisage la suite du voyage en toute sérénité.
Etape 70 : Sousamyra – Bichkek
Mercredi 4 juin 2008
147 km – Dénivelé : 1 207 mètres
Départ : 7 h – Arrivée : 18 h 30
KIRGHIZISTAN
Une étape magique
Notre première nuit en pleine nature, à 2002 mètres est un événement. Tout a bien fonctionné au niveau de l’intendance mais le dîner s’est terminé rapidement car un orage s’est abattu sur les tentes. À minuit, un merveilleux ciel étoilé nous signale la fin du mauvais temps.
À 7 h 30, la nature reprend ses droits et la quiétude de la montagne revient : nous levons le camp. Une autre pierre blanche dans notre livre de souvenirs.
Dès le départ, il faut remonter à plus de 3 000 m, pour franchir notre deuxième col Kirghize. À 10 h, tous groupés, police, cyclos, véhicules, nous franchissons un tunnel de 3 km, qui coupe le sommet de 3 600 m (type Galibier). Par précaution, les cyclos portent un masque pour éviter les risques de pollution. Une vertigineuse descente, dans un décor à couper le souffle, permet de récupérer et de se régaler.
Après le pique-nique, il faudra encore rejoindre la capitale du pays, Bichkek. En fin d’après midi, fourbus et heureux, nous rejoignons l’hôtel pour deux nuits. Demain est un jour de repos.
Le témoin du jour :
Georges Farjou du Cyclo-sport de Villefranche-de-Rouergue dans l’Aveyron (12).
« Le premier bivouac pleine nature s’est très bien déroulé malgré des conditions climatiques difficiles et l’orage pendant la nuit. Nous avons pris le départ pour notre deuxième étape de haute montagne, qui s’annonçait difficile. Parti dans les derniers après avoir participé au démontage des tentes et rangement dans les camions, je me suis senti très bien dès le début du col.
Bonnes jambes, bien dans la tête, les 17 km de montée ont été effectué à mon rythme. J’ai pris le temps d’admirer le paysage grandiose et de réaliser quelques photos. Après le col de plus de 3 000 m d’hier, c’est mon second « 3000 » et je dois dire que c’est un des plus beau que j’ai gravi dans ma vie de cyclotouriste. La fin du col, avant le tunnel ressemble un peu au Galibier et la descente vertigineuse s’apparente aux Dolomites. Une route en bon état, une météo de rêve, tous les ingrédients étaient présents pour que les grimpeurs soient aux anges. La descente d’une trentaine de kilomètres, est la plus longue et la plus pentue depuis notre départ de Paris. Sur la route, nous avons croisé des troupeaux de chevaux en transhumance. Pour moi, c’est la première fois que j’observe cette tradition.
Etape 69 : Taldi Bulak – Soussamyra
Le reste de l’étape, 70 km après le pique-nique a été moins attrayant, car de +5° ce matin nous sommes passés à + 40° dans l’après midi, dans la vallée pour rejoindre Bichkek. De 3 270 m, nous somme « tombés » à 900 m.Pour moi ce voyage est formidable et inoubliable, rien à dire sur l’intendance, la préparation, l’itinéraire et la gestion des événements. En revanche, sur la route, et je sais que cela n’est pas facile, les capitaines de route semblent manquer d’expérience dans la gestion des hommes. La bonne volonté ne suffit pas. Un regret aussi : trop de couples. Plus de 30 % du groupe, ce qui pose quand même quelques problèmes, pour une meilleure cohésion. »
Etape 69 : Taldi Bulak – Soussamyra
Mardi 3 juin 2008
88 km – Dénivelé : 1 354 mètres
Départ : 7 h – Arrivée : 16 h
KIRGHIZISTAN
Un col fabuleux à 3 303 mètres
Pour l’ascension de notre premier grand col, le temps est splendide et la température est de 10°. 24 km de montée sont programmés. La quasi-totalité des cyclos se sont surpris eux-mêmes en montant avec aisance cette difficulté majeure.
Les moins en forme ont pris leur temps et tous ont apprécié de franchir leur premier « 3 000 ». Revers de la médaille, la descente a été délicate, car, malheureusement la route n’est pas encore revêtue.
Des paysages grandioses s’offrent à nous avec beaucoup de vie pastorale dans les prairies. Les paysans, logés dans les fameuses yourtes -habitation typique d’Asie centrale- travaillent pour produire lait, crème et beurre de jument. Les cyclos ont goûté avec curiosité le lait de jument fermenté et les avis sont partagés.
Pour la première fois, nous avons du installer le bivouac intégral. Tout a très mal commencé. A notre arrivée sur le site prévu, un orage très violent est venu assombrir l’horizon et notre moral. Dans une prairie sans arbre, la grêle et la pluie ont fait quelques ravages. Par bonheur, après une heure très pénible, le soleil est revenu. Les camions ont pu passer dans les chemins boueux et en deux heures environ , le bivouac a été installé. Cuisine, réfectoire, chambres : le tout sous tentes et …la douche dans un camion. Cette première expérience attendue constituera un des moments forts de notre voyage. À 2 200 m, la nuit est froide, mais désormais notre volonté d’aller de l’avant balaye nos difficultés. Cet après-midi, nous avons été à la fois surpris et fiers d’accueillir un journaliste de l’Agence France Presse (AFP). Il va suivre pendant quelques jours nos belles étapes kirghizes.
Le témoin du jour est :
André Giroux, de Montréal – Québec
« J’ai adoré l’ascension du col, car cela m’a permis de mieux connaître, les réactions de mon corps en altitude. C’est la première fois que je monte si haut en vélo et tout s’est bien passé. La descente difficile, sur une route non goudronnée, m’a permis de tester mes réflexes. Tout au long de la descente, j’ai admiré la vie des nomades Kirghizes, qui vivent, avec leurs troupeaux : chevaux avec des dizaines de jeunes poulains de quelques jours, chèvres et moutons.
Ces paysans vivent dans des yourtes 6 mois de l’année, pour assurer le pâturage de leurs bêtes. De chaque côte de la route, une chaîne de montagnes aux neiges éternelles assurent un magnifique décor. Le pique-nique de midi a été pris dans la vallée, au bord d’un torrent. En plein soleil, la chaleur était très supportable car nous sommes au dessus de 2 000 mètres.
À notre arrivée sur les lieux de notre bivouac, un orage avec grêle et pluie mêlée, nous a fait craindre le pire. Heureusement, une heure après le soleil est revenu et nous avons pu installer, en pleine nature notre bivouac, tentes collectives pour la cuisine et le réfectoire, tente pour 4 personnes. J’attendais avec impatience ce premier bivouac, j’en suis ravi. Cette journée est pour moi, une des plus belles de notre aventure, car j’adore le vélo en montagne. »
Etape 68 : Talas – Taldi Bulak
Lundi 2 juin 2008
71 km – Dénivelé : 853 mètres
Départ : 8 h 10 – Arrivée : 14 h
KIRGHIZISTAN
« A quoi bon emprunter sans cesse les vieux sentiers ?
Tu dois tracer des sentiers vers l’inconnu. »
Henry-David Thoreau
Des paysages grandioses !
Cette fois, nous touchons l’excellence ! Un vrai décor de carte postale. Une nature vierge, des hommes et des femmes authentiques aux visages brûlés par le soleil et le froid. Aucun touriste n’est jamais venu dans ces vallées. Et nous ne saurons jamais ce que pense ces villageois lorsqu’une armada de plus de 101 cyclotouristes et 7 véhicules se hissent dans ces lieux tranquilles. La réaction amicale et spontanée semble naturelle ici.
Les cyclos sont très heureux et les réactions de plaisir sur ce pays et ses paysages jaillissent spontanément. Qui peut se douter de la difficulté d’héberger dans ces hautes vallées notre groupe ? Ce soir, une école a déménagé 6 classes pour que nous puissions installer nos lits et nos duvets. Il n’y a pas d’eau, pas de douche et deux toilettes au fond de la cour. Personne ne se plaint ! Est-ce le miracle de l’altitude ou bien la sérénité qui atteint soudainement notre groupe ?
Nous vivons ces instants magiques en silence et nous avons une pensée amicale pour tous les cyclos fédéraux qui vont profiter du mois de juin pour se lancer dans les grands brevets. Vous partagez notre aventure, nous partageons les vôtres.
Le témoin du jour est :
Jean-Pierre Rompteaux : de l’Aviron Bayonnais, demeurant à Anglet (64) Pays Basque.
« Tout d’abord je dois dire que nous sommes ravis d’être entrés au Kirghizistan car nous attendions avec impatience la montagne. Ici, nous côtoyons le grandiose. Nous sommes très agréablement surpris par le nombre de personnes qui nous encourage, tout au long de notre périple. Nous sommes séduits par la flore avec ses multitudes de couleurs variées à l’infini, par les animaux familiers : chevaux, ânes, chèvres, veaux, vaches, qui nous croisent sur la route. Nous avons même eu la chance de doubler des troupeaux de moutons, montant en transhumance. Ici, et ce n’est pas du folklore, les bergers sont à cheval. Dans le ciel, un couple d’aigle a même survolé notre «chemin de joie».
Notre ascension à 2 000 mètres s’est faite assez facilement car le décor est reposant. Le chant des oiseaux et le murmure du torrent résonnent comme une magnifique symphonie. Cette vallée typique est bordée en rive droite par des moyennes montagnes recouvertes de pâturages et en rive gauche par les «montagnes célestes» qui culminent à plus de 4 000 mètres.
Je roule en compagnie de ma femme, Nicole. Nous avons cassé notre tirelire pour participer à cette épopée, afin de fêter en 2008, l’année de nos 60 ans. Le 13 mai, comme convenu avec nos amis, j’ai bu le lait de chamelle en guise d’anniversaire !
Grâce à la FFCT, avec les encouragements de nos enfants, de nos 6 petits-enfants, de toute notre famille et poussés par nos amis, nous réalisons une expédition certes un peu folle, mais qui comptera dans notre vie. »
Revivez de l’intérieur cette fabuleuse épopée à vélo à travers les différents épisodes que nous vous proposons sur Cylomag.
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