Des nouvelles de Tanguy Cleirec, notre lauréat de la Bourse jeune voyageur

Tanguy Cleirec a remporté la Bourse du jeune voyageur international à vélo décernée par la Fédération française de cyclotourisme. Tanguy nous raconte. Retrouvons-le sur la route.

Des nouvelles depuis le bord de la Mer noire à vingt kilomètres de la frontière géorgienne. Une belle journée qui clôture une semaine durant laquelle j’ai vécu une des plus difficiles épreuves physiques de ma vie.

Vous l’aurez compris j’ai réussi à prendre mes trains de Izmir à Erzurum moyennant de petits suppléments et des discussions avec les contrôleurs. Soit 1 700 km, deux nuits et trois jours de train, 30 € (sheh la SNCF).

De belles rencontres sur la route


Un très beau trajet aux paysages variés allant des  vastes étendues désertiques aux vallées montagneuses. Dans le train je rencontre Nazli, guide touristique, ainsi que mes colocs de cabine Mustafa et Mevlut, la gentillesse incarnée !

Mevlut va passer des vacances en Géorgie, nous décidons de nous arrêter à Erzurum, lui pour prendre un bus et moi pour aller rouler dans les montagnes au nord de la ville. Nous prenons un hôtel et nous nous offrons un très bon restaurant.
Ce fut l’occasion de discuter de son service militaire, de l’armée et du port des armes à feu. Le lendemain nous nous séparons et il me donne une de ses deux plaques militaires, je suis ému par ce cadeau que je sais être important.

Je prends le train en direction du Tadjikistan – j’ai décidé de ne pas prendre l’avion. Dès le début de l’organisation de ce voyage je m’étais fixé cette destination avec pour objectif d’aller rouler dans des montagnes majestueuses. Or il se trouve que sur ma route, après l’Inde, il y a le Népal, un autre pays réputé pour ses montagnes !

J’ai donc décidé de ne pas me lancer dans un trajet supplémentaire en avion mais d’aller rouler au Népal en décembre-janvier, la période sèche, idéale paraît-il pour visiter le pays.

Ne pas casser le rythme du voyage à vélo


Cette décision de ne pas prendre l’avion me soulage. C’est assez dur à expliquer mais il y a une dynamique dans mon voyage à vélo qui s’est rompue quand j’ai pris le train. La semaine d’attente à Izmir, en raison d’une date de départ spécifique, et l’impression d’arriver trop vite à un endroit sans avoir pris le temps de se laisser pénétrer par son environnement m’ont perturbé.
C’est toujours le même pays certes mais Erzurum est plus haute (1 700 m)  avec un climat et une atmosphère différents de la Turquie et je me sens brusqué par ce changement.

Le voyage à vélo, lui, me permet une grande liberté et d’avancer tout en saisissant toutes les opportunités. Comme une rivière qui coule en contournant les obstacles, cette manière de voyager participe d’une fluidité protectrice car mon rythme me permet d’avancer en terrain connu. Prendre un transport me donne l’impression de brusquer les choses. Et prendre un avion entre particulièrement en conflit avec mes idéaux écologiques.

Une nouvelle option s’est ajoutée à la voie sud Iranienne, une voie nord Russie-Kazakstan-Ouzbékistan-Kirghiztan 

Les deux options, sud et nord, me forceront tout de même de prendre l’avion, pour survoler le Pakistan dans la voie sud et Chine/Afghanistan dans la voie nord… Je me laisse le temps de prendre ma décision mais je suis beaucoup plus serein que la semaine dernière, sûrement parce que j’ai recommencé à avancer, le mouvement m’apaise.

Ayant pris la décision de ne pas aller dans le Pamir je me suis jovialement dit que j’allais me venger sur les montagnes que j’avais à portée de main, à savoir les mont Kackar.

Deux chaînes de montagnes parallèles orientées est-ouest entre Erzurum et la Mer noire. Je passe la première dans un col qui me semblait passable à vue mais n’était pas indiqué au GPS. Je monte à 2 700 m tout fier de ma trace et de mon sens montagnard aiguisé par ma jeunesse grenobloise.

Le lendemain, après être redescendu à 900 m, je me lance dans la traversée de la deuxième chaîne, en suivant le GPS cette fois-ci mais que j’avais programmé pour le VTT… Je m’attaque à 3 100 m de dénivelé positif durant lesquels je m’informe auprès des habitants de la région  si je peux passer ou non.

Mais je ne veux rien entendre car j’ai déjà effectué trois heures de montée par 30°C à pousser à moitié le vélo. Donc je continue ! Après une nuit au dernier village à 2 000 m je me lance dans le dernier tronçon, bonne surprise le chemin est passable, jusqu’au moment où il devient plus rocailleux et raide, puis se transforme en pierrier. Impossible de rouler, je pousse ma mule de 50 kg et plus j’avance moins je peux revenir en arrière parce que la route est trop défoncée. Les rares bergers que je croisent me demandent si j’ai un pistolet pour les ours… Ah oui parce qu’en Turquie aussi ya des ours !

Le passage du col me coûte un pneu dont le flan explose finalement sur une arrête de rocher après 5 h à se faire salement malmener ; du sang dans les abdomens des mouches et taons qui m’assaillent et des larmes de rage, de fatigue, d’épuisement. 

Tirer, pousser, porter un vélo de 50 kg sur 700 m de dénivelé positif dans un parc naturel peuplé d’ours et de loups m’a permis de trouver les limites physiques et mentales que j’étais soit-disant venu chercher !

Mais encore une fois, les rencontres avec un pickup sur la route de la vallée ou au camping de deux cyclistes iraniens fantasques et d’un couple de backpackeurs français me soulagent de ma journée. Le tout accompagné de deux kebabs pour compenser le déjeuner manqué (c’est dire si j’étais pris par mon col !). 

Du coup direction la Géorgie avec ces deux sacrés lurons iraniens avec un stop au premier magasin de vélo que je croise pour changer mon pneu que j’ai colmaté le mieux possible avec quatre rustines, espérons que ça tienne d’ici là ! Soit dit en passant vu ce qu’à subit le vélo sur le chemin, n’y laisser qu’un pneu est encore une fois la marque de sa fiabilité. 

Du coup si je veux me préparer pour des montagnes népalaises j’ai intérêt à mener une chasse aux poids dans mon équipement ! L’expérience a malheureusement prouvé que mise à part pendant les vingtpremiers jours avec mon ami Charlie, les deux places de ma tente n’avaient pas d’utilité. Je vais peut-être humblement passer à une tente une place…

Voilà, cette semaine se finira dans le onzième pays du voyage après de sacrées montagnes russes émotionnelles, c’est ça le voyage et ce soir je me dis que je ne voudrais être nul part ailleurs qu’à rouler ici sous le soleil couchant.

À tantôt les amis.

Tanguy

Pour en savoir plus sur l’aventure du Tanguy, rendez-vous sur https://cyclotourisme-mag.com/2022/06/11/rencontre-avec-tanguy-cleirec-laureat-de-la-bourse-jeune-voyageur/

Texte : Jean-Pierre Giorgi / Tanguy Cleirec – Photos : Tanguy Cleirec
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