Le lauréat de la bourse Jeune voyageur est au Kazakhstan

Tanguy Cleirec, lauréat de la bourse Jeune voyageur de la Fédération française de cyclotourisme, continue son bonhomme de chemin toujours à l’est. Il visite désormais son quatorzième pays depuis son départ. Carte postale du Kazakhstan.

La bourse du Jeune voyageur international à vélo attribuée par la Fédération française de cyclotourisme a été cette année décernée à Tanguy Cleirec, il revient pour nous sur les détails de cette aventure.

 

La parole à Tanguy

Hello tout le monde,

Des nouvelles fraîches depuis… le Kazakhstan ! Le quatorzième pays du voyage. Mais avant ça, il y a eu la traversée du treizième pays (enfin d’1/60e du pays), le plus grand pays du monde, source de mythes et fantasmes, la Russie !

Attention Mathilde, qui dit grand pays dit grand mail, pas sûr que ta réunion de service dure assez longtemps cette fois… Encore une fois merci à mon SVE pour la maîtrise du tchèque qui m’a été d’une grande aide pour communiquer avec les locaux.

Petit passage en Russie

J’ai  fait 700 km en Russie ; de la frontière géorgienne au Kazakhstan soit un peu plus de la moitié d’une traversée de la France dans un pays qui fait trente-et-une fois sa taille. Autant dire que de la Russie, je n’ai presque rien vu, ce qui me frustre un petit peu, d’autant plus que je dois la quitter rapidement pour des raisons financières. 

Une entrée en Russie tout d’abord « rigolote » où, après avoir doublé tranquillement les quatre kilomètres de voitures qui attendaient de passer la frontière, Roxie la garde frontière m’a tenu la jambe pendant vingt minutes en me racontant l’histoire de sa région, l’Ossétie du nord. Je ne sais pas si c’est parce qu’elle n’avait pas vu d’européens depuis longtemps ou si c’était pour gagner du temps pendant qu’une team de hacker me stalkaient sur Internet… Elle m’a quand même demandé si mes parents étaient « cisty francouz », ce qui veut littéralement dire « propre français » et si aucun d’eux ne venaient d’Algérie… 

Cette semaine j’ai traversé cinq régions sur les 85 qui composent la Russie, à savoir : l’Ossétie du nord, l’Ingouchie, le Krai de Stravopol, la Kalmoukie et l’Oblast d’Astrakhan.

Chaque région a son propre dialecte local en plus du Russe et est séparée des autres par une frontière avec checkpoints, contrôle des papiers et inspection des véhicules. Dans leurs cahutes les militaires ont une « wanted list » de photos et descriptions de personnes recherchées, heureusement ma tête n’était pas dessus et ils m’ont laissé passer. Mais en tant que Français à vélo j’ai quand même systématiquement eu droit au régime spécial, directement dans le bureau du chef à raconter d’où je viens, où je vais et pourquoi. On m’a demandé si j’étais un espion, j’ai hésité à faire une blague, puis me suis rappelé où j’étais !

Un séjour anxiogène…


Globalement durant mon séjour j’ai vu beaucoup de policiers effectuer de nombreux contrôles. J’étais mitigé avec à la fois une petite anxiété de savoir que je suis dans un pays autoritaire qui peut, s’il le souhaite, m’envoyer en prison pour n’importe quelle raison et à la fois une certaine sérénité d’imaginer que ces contrôles doivent quand même jouer un rôle sur la criminalité locale… Même si j’imagine bien que les mafias ont trouvé la parade/corruption pour passer outre.
 
Néanmoins à vivre au quotidien ces contrôles et cette présence policière doit constamment rappeler la place du citoyen sous le joug de l’autorité.

Des belles rencontres encore cette semaine, par exemple en Ingouchie, région musulmane, où deux hommes me voyant à l’ombre pendant la pause de midi m’ont spontanément invité  chez eux à manger et me reposer, me disant que j’étais le premier Français qu’il voyaient de leur vie. Par la suite quatre personnes me diront la même chose. 

Les relations conflictuelles que la Russie entretient avec ses voisins se rappellent à moi lorsque l’un de mes hôtes, ancien miliaire, m’explique qu’il a perdu trois doigts en Ukraine en 2014.

Le même ex-militaire de 140 kg qui me déconseille de traverser la Tchétchénie car « bandits!! ». Vous savez, les tchétchénes dont le chef Kadirov est un grand pote de Poutine et a envoyé ses troupes en première ligne en Ukraine tuer des Ukrainiens et violer leurs femmes et leurs enfants… J’écoute les recommandations du militaire et fais un détour pour éviter la région !

Sur la route on me klaxonne, on me salue et on s’arrête même à mon niveau pour m’offrir de l’eau ou des boissons. Je sens que les gens n’ont pas trop l’habitude de voir des cyclotouristes. Je passe à côté de stations essences où le litre chiffre à moins d’1 € (48 roubles pour un euro à 59). Cela ne m’étonne pas qu’ils se permettent d’en cramer autant dans leurs moteurs des années 80.

Je croise quelques « Z » sur des pancartes et des voitures, je vous mets des photos qui ne sont pas représentatives de la majorité des voitures que j’ai croisées ! J’ai aussi vu des « Z » sur des camions militaires que je me suis cette fois bien gardé de photographier ! 

Des steppes à perte de vue


Mes 700 km se font dans une steppe désertique absolument plate et sans intérêt. Un vent d’ouest que rien ne freine sur des milliers de kilomètres souffle très fort. Pas de chance ma route monte au nord-est…

Lorsque j’ai le vent de face j’avance en forçant à 8km/h, lorsque je l’ai dans le dos je fais du 35 km/h sans effort. Rouler dans ces conditions est physiquement et mentalement trop dur pour moi, je n’y prends aucun plaisir et décide donc de faire du stop. Cela fonctionne bien et je savoure la puissance des moteurs thermiques des camions et camionnettes qui m’avancent vers le Kazakhstan.

D’ailleurs les 38 tonnes c’est pour les occidentaux fragiles, ici on roule en 50 tonnes sur 22 roues et je transbahute mon petit vélo de camions en camionnettes avec à chaque fois la peur qu’il s’abîme en cours de route. Mais encore une fois le farrhad fait preuve de sa solidité et, mis à part un peu de peinture qui y reste, pour l’instant tout va bien !

Je me questionne pas mal sur ma manière d’avancer. Les puristes diraient que je triche, les ascètes diraient que je manque de résilience, peut-être que je joue la carte de la facilité… Rouler face au vent qui soufflait toute la journée était vraiment trop dur pour moi. Et de manière générale il y a bien une raison au fait que personne ne vive ici… Je vais voir comment sera le vent au Kazakhstan mais globalement il me reste encore 1 500 km de désert à traverser avant d’arriver dans des endroits montagneux et plus j’attends plus il y fera froid donc je crois que la question elle est vite réglée… À voir cette semaine !

Les Géorgiens m’avaient fait remonter 100 ans en arrière avec leur douche chauffée au feu de bois, un paysan Russe  m’a fait remonter 200 ans en arrière avec sa douche de brousse dans la basse-cours de sa ferme. C’était quand même intéressant de partager, le temps d’une soirée, le quotidien d’un habitant de ces steppes. On mange à même le plat des tomates découpées avec un oignon, le tout accompagné de pain dur et d’oeufs du poulailler. Ce même paysan qui me demande quand même si Mireille Matthieu est encore vivante, je ne m’attendais pas à entendre ce nom-là ici ! 

Aucune route ne mène à la mer Caspienne, je ne comprenais pas pourquoi avant de pousser dans le dernier village le plus à l’est sur ma route et de planter la tente sur les « bords de la mer Caspienne » mais séparée de cette dernière par un poste frontière et 10 km de marécages infestés de moustiques et serpents. Un bord de mer également inhospitalier donc. La faible pollution lumineuse de la steppe m’a quand même permis d’apprécier mes nuits sous des ciels magnifiques !

Une belle frayeur…


Je me suis fait peur cette semaine sur une piste déserte de 20 km qui me ramenait sur la route principale. Il était midi, le soleil tapait fort et je n’avais plus q’un quart de litre d’eau, je me suis imaginé bloqué sur cette piste pour une quelconque raison à 10 km de toute vie humaine. J’ai compris que c’était aussi de la peur que j’avais ressenti dans mon col Turc, également à cause de l’isolement. Globalement je n’aime pas me sentir isolé dans ces pays que je ne connais pas.

Je vous disais au début que j’ai dû quitter un peu rapidement la Russie pour des raisons financières. Avec les sanctions internationales, mes cartes bancaires sont bloquées et je ne peux pas faire de virement vers un compte russe. J’ai donc vécu cette semaine avec l’équivalent de 50 € en roubles que j’avais échangé à Tbilissi.

Dans la steppe ça passait parce que de toute façon il n’y avait rien pour les dépenser mais, arrivé au terme de ma traversée et voulant me poser deux jours dans un hôtel en ville, j’ai été confronté premièrement à des refus d’hôtel ne voulant pas enregistrer un Français, deuxièmement à des hôtels refusant que je paie par virement et enfin à la galère de me faire payer une nuit d’hôtel par une amie russe qu’une autre amie franco-russe a pu rembourser avec son compte russe et que j’ai finalement pu rembourser sur son compte français. Bref vous l’aurez compris c’était un peu galère (Maria, merci beaucoup pour ton aide !).

Je quitte donc la Russie en ayant utilisé mes derniers roubles pour m’acheter un paquet de flocons d’avoine et une boîte de thon, ne sachant pas ce que je vais trouver au Kazakhstan au moins je pourrais survivre avec ça !

Voilà pour cette semaine, je trouve cela assez fou d’avoir pu cocher la case « Russie » en 2022 dans mon voyage, même si je n’en ai vu qu’une infime partie et espère pouvoir y revenir un jour pour explorer le reste.

Des bises de la steppe Kazakhe.

Texte et photos : Tanguy Cleirec
 
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