Les 1 000 kilomètres de Fanny sur l’Occitamille

Le Ride Bike Tour Occitamille est une sacrée randonnée de Carcassonne à Carcassonne et qui comme son nom l’indique comporte 1 000 kilomètres. Nous revenons sur cet événement à travers le récit de Fanny.

Dans la famille de l’ultra-endurance, les femmes sont de plus en plus présentes et ne sont pas là pour faire de la figuration. Nous allons revivre l’Occitamille qui a eu lieu du 19 au 26 juin 2021 derniers à travers le récit très riche de Fanny, une « zinzin » de l’ultra-endurance à vélo.

Le récit de Fanny

L’Occitamille, quèsaco ?! Un beau petit ratio de 1 000 kilomètres pour 20 000 m de dénivelé positif, à bicyclette, de Carcassonne à Carcassonne, en passant par l’Aude, les Pyrénées Orientales et l’Ariège profonde !

Voilà qui résonne plutôt bien dans mon esprit après des mois et des mois de disette sportive. Et pour cause, la quasi-totalité des manifestations sportives se sont vues annulées sur la dernière année, mais également les déplacements et regroupements entre amis et partenaires de virées farfelues! J’ai à la fois hâte de retrouver tout cela, et conscience que mon entraînement n’arrive plus à la cheville de celui qui rythmait mon quotidien avant.

J’aime l’aventure au long cours et les défis !

Ce que j’aime par-dessus tout, c’est être dehors, découvrir de nouvelles contrées et décors nature, et rencontrer d’autres zinzins au moins aussi tordus que moi et qui cherchent à jouer avec leurs limites, pour vivre des moments hors du temps, et partager quelques instants de folies.

Seulement voilà, lorsque je découvre l’existence de l’Occitamille, et de son organisation Ride Bike 11, au hasard d’une rencontre, nous sommes à peine dix jours de l’événement ! En fait, c’est tout moi, ça ! J’aime l’inattendu et les défis non planifiés, alors je profite d’un désistement de dernière minute pour m’inscrire sur ce petit challenge, toute excitée que je suis, mais aussi la boule au ventre. Tout juste le temps de placer une sortie de plus de 100 km et quelques cols ariégeois, une broutille à côté de ce qui m’attend, et de réfléchir à mon équipement et plan de route. Plus le temps d’imaginer quoi que ce soit, il faudra faire avec ce dont je dispose mais aussi avec les jambes du moment, tant pis, j’ai envie de m’y jeter, envie d’être sur mon vélo, envie de pédaler et me laisser porter par les paysages qui défilent, envie de savoir si je suis encore capable de ce genre de défis aussi.

J’imagine rapidement un découpage en 3 jours, couvre-feu oblige, qui sera tout aussi rapidement balayé par l’annonce, 3 jours avant le départ, de la fin de celui-ci en cours de route. Bon, c’est pas grave, je n’avais pas eu le temps de m’habituer à mon plan initial de toute façon, donc ça sera improvisation à partir de la seconde journée !

Le vendredi soir, je débarque à Carcassonne avec mon camion, pour récupérer le package de départ et rencontrer les protagonistes de ce viron ! Une formalité assez rapide, car toutes les têtes me sont inconnues, et je suis pressée d’aller finir de me préparer et de profiter d’une bonne dernière nuit de sommeil au camion, même s’il n’en sera rien, puisque je passerai la soirée au téléphone après avoir appris le décès d’une proche, suivie d’une piètre nuit.

Le lendemain matin, notre petit groupe d’allumés se retrouve dans les rues de Carcassonne, les échanges sont brefs, les visages un peu crispés et l’esprit tout à ce qui va suivre. Je me retrouve rapidement aux « avant-postes », mais je préfère rouler à mon rythme, je sais que la journée sera longue.

En ce premier jour, le plan est simple…


Je profite de passer devant la maison d’un ami de toujours de mon papa, à Pézilla, au kilomètre 300 environ, pour prévoir ma première pause et voyager léger (ce qui me vaudra pas mal d’interrogations de mes congénères, sur mon paquetage minimaliste ! Le reste de mon chargement m’attendant sagement dans les PO). Seul impératif, et pas des moindres, arriver avant le couvre-feu de 23 h, à plus de 5 000 m de dénivelé plus loin, à parcourir, donc, en un peu plus de 16 h. A priori, rien d’insurmontable, seulement, voilà, on ne sait jamais à quelle sauce on va être mangé sur ce genre d’épreuve, et surtout s’il faut compter ou non sur le vent fourbe des Corbières !

Je compte, moi, sur les nombreux talus qui se présenteront à nous pour nous épargner un peu ses sautes d’humeur. Et bingo ! Nous sommes gratifiés d’une superbe journée, bien chaude, avec bien peu de vent pour le coin ! Alors ça roule, et ça roule plutôt fort ! Et j’adore ça ! Sur les relances et les faux-plats, je profite de l’aspiration de Bertrand, le chef-d’orchestre de l’événement, et bien plus encore, qui me rattrapera après quelques dizaines de kilomètres. Il appuie, le bougre, mais le reste, je le fais essentiellement à ma main, et je roulerai finalement seule une bonne partie de cette journée, de plus en plus confiante sur mon arrivée à bon port dans les temps.

 
Les bosses s’enchaînent plutôt bien, pas très longues, pas très raides, les paysages sont sauvages à souhait et magnifiques, il y a peu de monde sur ces routes bucoliques, il s’agit simplement de laisser tourner les jambes et profiter du spectacle, sans toutefois oublier de refaire le plein des bidons qui se vident à vue d’œil par ces chaleurs. Un petit orage dans les gorges de Galamus viendra rafraîchir l’atmosphère, je passe alors le premier  CP fictif, Tuchan, km 264, où plusieurs collègues passeront la nuit, et mon GPS tombe en panne juste après. Mon téléphone prend le relais, le temps que je parvienne à relancer la bête, et j’attaque la dernière bosse avant Pézilla, que j’atteins avant 20h30 ! Joie, bonheur, soulagement, et fierté d’avoir roulé à plus de 24km/h sur ce premier tronçon, et d’avoir pris mon pied.

J’hésite à poursuivre ma route pour profiter de pouvoir rouler jusqu’à 23 h, mais je ne suis pas sûre de trouver de quoi manger et dormir si je prolonge, donc je choisis la sécurité. J’ai même l’honneur de partager le dîner avec mes super hôtes, même si, déjà, se présentent des signes avant-coureurs de mes problèmes récurrents d’alimentation sur la longue distance. Mais hop, une bonne douche et au lit, demain, les choses sérieuses commencent !

Ma monture retrouve son équipement au complet pour la suite de la balade. Je repars donc seule, et c’est la quasi-totalité de la journée que je passerai seule, les 3 gars devant ayant poursuivi au maximum leur route la veille. Je passerai une bonne demi-journée à rouler , “plan-plan” entre les orages, dans ces montagnes du piémont pyrénéen. Le soleil finit par prendre le relai, et avec lui, les ennuis pour m’alimenter reviennent. Il fait chaud, j’ai l’impression de ne pas avancer un caramel!, et ma principale préoccupation est d’essayer d’ingurgiter du solide. J’essaie pour cela de m’imposer des arrêts pour manger, mais sans succès. Après avoir flirté un bon moment avec le Canigou, je tente de prendre quelques forces à Olette, avant d’entamer la montée du col de la Creu qui s’annonce assez longue. Cette fois, nous sommes bel et bien dans les montagnes, mon terrain de jeu ! C’est la fin de journée, et mes sens sont en éveil, la route est quasiment déserte, je me régale de cette ascension, belle, paisible et sauvage. Arrivée à Formiguères, au CP2 virtuel, je décide de faire un stop à la pizzeria du village, c’est l’heure du dîner mais rien n’y fait, ça ne passe pas et malgré un arrêt chrono généreux, je repars, mes ziplocs remplis de parts de pizza.

Heureux hasard, je tombe sur Luc, revenu sur moi, avec qui je partagerai quelques kilomètres seulement, car il s’arrêtera peu. J’entame, de nuit, la partie la plus difficile à rouler en nocturne, et la plus haute en altitude, l’Ariège et sa quadruplette : port de Pailhères, col du Pradel, col des 7 Frères, et Marmare, des cols qui s’enchaînent sur des revêtements… qu’on ne qualifiera pas de billards !

Pas de bol…


Je crève à un peu plus d’1 km du sommet de Pailhères, en plein vent, dans l’obscurité, et au milieu des chevaux en furie. Je peine à garder un rythme correct, à la fois en montée, et en descente, où il faut rester très vigilante. Je décide de m’arrêter dormir pour essayer de rompre un peu avec ce faux rythme et réparer ma chambre, car j’ai maintenant une crevaison lente. Je trouve un abri-bus à Camurac, où je ne me reposerai que très peu de temps dans mon bivy car il ne fait pas bien chaud. 

J’attaque la route de la Corniche en direction de Tarascon, et mes nausées et brûlures d’oesophage s’intensifient sérieusement, tellement que j’ai du mal à penser à autre chose. Je finis par vomir un bon coup entre deux coups de pédale, et crève une nouvelle fois dans la foulée ! Je remets ma chambre à air qui semble perdre lentement, mais n’arrive pas à trouver d’où provient la fuite, et profite du lever du jour pour faire un vrai bon dodo au pied du col de Port.

Mon copain est venu me rejoindre au moment où je repars, et c’est plutôt chouette de le retrouver et de rouler en sa compagnie ! J’ai retrouvé du punch, alors c’est reparti.  Saraillé, la Core à fond les ballons, et nous voici en train de filer sur la maison, car oui, la trace passe devant chez nous, quelle chance ! Cette fois, je dors pour de bon, dans un vrai lit, le mien, et parviens enfin à manger de nouveau, pour repartir toute pimpante quelques heures plus tard, toujours aux côtés de mon homme, avant qu’il ne rebrousse chemin.

La nuit ariègeoise, puis audoise, m’accompagne pour la suite du périple, du bien vallonné encore ! Je décide de m’arrêter à Puivert, avant que le sommeil ne me gagne pour de bon. Sans un bruit, vers 3 h du matin de cette troisième nuit, je m’insinue dans le camping du lac, et trouve refuge dans les sanitaires pour quelques heures de sommeil au chaud bienvenues.

Le réveil est un peu délicat


Je m’accorde un peu de rab ! Malgré tout, il me faudra la compagnie d’une bonne playlist pour éviter que je ne m’endorme en roulant, à l’approche de Quillan. Je sais qu’une bonne boulangerie m’y attend, et comme je n’ai plus re-mangé depuis la maison, je décide de prendre de nouveau le temps nécessaire pour le faire. Les portes sont encore closes, mais le boulanger, adorable, m’invite à rentrer, et nous papotons un moment. 1 h 30 plus tard, j’ai enfin ingurgité mon sandwich, étape laborieuse, mais nécessaire pour aller au bout de l’aventure.

Je jette alors un œil au tracking, pour la 1ère fois depuis le départ, et découvre avec stupeur que mon poursuivant se trouve à 20 km derrière.  Oups.  En hâte, je replie tout, et enfourche la bête, plus motivée que jamais.  Cette fois, plus question de faire de pause jusqu’à l’arrivée. 

Je roule, les yeux rivés sur le GPS et mon allure, je retiens mon envie de m’arrêter au petit coin, et bim, mon GPS ne trouve pas meilleur moment pour rendre l’âme de nouveau.  Je repars, et bien décidée à ne pas laisser Edouard grignoter du terrain, je textote un copain pour lui demander de surveiller nos points GPS jusqu’à l’arrivée et de me tenir au courant des écarts (j’apprendrai, par la suite, de mon poursuivant, qu’il aura fait de même de son côté !) 

À 10 km de l’arrivée, le gros des difficultés est derrière, il y a toujours 20 km d’écart environ, et je me résous enfin à arrêter d’imaginer un retour en trombe par l’arrière. 11 h du matin, le soleil chauffe, la boucle est bouclée, je rejoins enfin Carcassonne, et le QG de Ride Bike 11, cette association d’irréductibles ultra-cyclistes au grand cœur, une sacrée belle découverte!, accueillie par le vainqueur arrivé la veille et le troisième, dans la nuit, mais également par les fidèles parents de Bertrand, l’homme de l’ombre.

Conclusion

Je suis quatrième, et heureuse d’y être parvenu, et 20 km plus tard, Edouard rallie à son tour l’arrivée. Le classement n’a que peu d’importance, le chemin parcouru en a beaucoup plus dans ce drôle de contexte, et les anecdotes et échanges partagés avec les participants qui arriveront au compte-goutte ont une saveur qui prolongent l’aventure, qu’on voudrait sans fin. On pense déjà à la suite, et devinez-quoi ?! Ça parle encore et toujours de vélo !

 

Lire également l’article : https://cyclotourisme-mag.com/2021/05/14/l-occitamille-un-evenement-tres-longue-distance/

 
Texte et photos : Fanny Frechinet
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