Voyage à vélo – Tanguy lutte contre l’humidité en Inde

Nous vous donnons des nouvelles fraîches de Tanguy, lauréat de la Bourse jeune voyageur de la Fédération, depuis la région de Goa (Inde) après une semaine fluide, humide et physique avec les deux compères Olmo et Malte. Cela fait maintenant plus d’une semaine que je roule avec eux, c’est la première fois du voyage que je passe autant de temps avec d’autres cyclos.

Une semaine qui, contrairement à ce que j’imaginais à l’issue de ma première journée avec ces deux grands gaillard, a été plutôt lente. Cela nous a pris quelques jours pour comprendre pourquoi on arrivait difficilement à dépasser les 50 km quotidiens, la raison tient à deux choses : 

– tout d’abord une route côtière plus physique que ce que je pensais. La côte que nous longeons est une succession d’avancées de terre et de bras de mer. On ne fait donc qu’enchaîner des montées et des descentes, passant de la mer au sommet de la butte de terre avant de redescendre illico retraverser la mer en ferry ou par pont de l’autre côté. La route est très escarpée.

– la seconde, est probablement principale raison de nos moyennes pourries tient au climat ! Le soleil tape fort pour atteindre les 35°C au milieu des journées et surtout, surtout, il chauffe une masse d’air d’une humidité telle qu’il ferait passer la Bretagne en novembre pour le Sahara ! Je connaissais le chaud, contre qui une bonne hydratation et un chapeau sont de bons remèdes. Je connaissais le froid contre qui un bon pull et un bonnet sont de bons remèdes. Mais je n’avais pas encore vraiment vécu de climat humide contre lequel….. un sachet de sel et un bol de riz sec sont…. complètement inutiles !

Une humidité assez « ouf » !


Cette moiteur transforme le t-shirt en serpillière aux premiers coups de pédales et fait même friper les doigts lorsqu’on pousse pour passer les raides montées… On a un peu l’impression de faire du sport dans un sauna…  Ce n’est pas la meilleure idée de l’année pour avoir de bonnes performances ! Le soir on se glisse dans un sac à viande moite, on se réveille au milieu de la nuit dans un duvet mouillé et on enfile au matin le t-shirt encore mouillé de la veille.

C’est assez étrange d’évoluer dans un milieu dont on ne peut globalement pas se protéger. Qu’on dorme dans la tente ou dans un abri l’air qui nous entoure est chargé d’humidité, elle est juste partout, tout le temps. Heureusement l’humidité ne ramollit pas la joie de vivre de mes deux compagnons de route qui comme moi suent toute l’eau de leur corps durant la journée avant de profiter de l’océan indien pour se rafraîchir en soirée. 

Malgré la difficulté de la route et les affres du climat, je dois avouer que cette semaine a un peu ressemblé à des vacances exotiques. Le soleil, les baignades quotidiennes dans l’océan indien, les parties de frisbee, les soirées à discuter autour d’un feu de bois sous les étoiles ou à jouer aux cartes, les pauses quotidiennes pour des jus frais de canne à sucre (trop bons), des noix de coco, des fruits et des restaus matin midi et soir ont largement compensé la raideur de la route et l’humidité ambiante.

Trois hommes velus vivants à moitié nus sur les plages de l’océan Indien s’enduisant l’aine de vaseline pour lutter contre les frottements et l’humidité ambiante auraient fait un très bon décor pour un « Brokeback Mountain » Bollywoodien version cyclotouristes !

Ce qui me manque le plus ? La vie française !


Une question d’Olmo un soir sur ce qui me manque à part mes amis et ma famille m’a fait réfléchir et la réponse est venue assez vite : la qualité de vie française !
 
Depuis le début de mon voyage j’ai pu constater à quel point le fait d’avoir grandi en France m’a façonné. Mon éducation française a conditionné ma manière de penser, mes expériences vécues et ma manière de voir le monde. J’avais trouvé mon « Service Volontaire Européen » en République tchèque particulièrement intéressant parce qu’il m’avait permis de découvrir une autre manière de vivre et une autre organisation de société en Europe.

Je trouve mon voyage actuel particulièrement intéressant parce que je découvre la même chose mais à l’échelle de l’Eurasie. Et lorsque je compare les modes de vie d’Asie Centrale ou d’Inde avec notre mode de vie français je m’estime vraiment infiniment chanceux !

J’ai une chance de fou furieux d’être né dans ma famille dans l’un des pays le plus riche d’Europe, lui-même un des territoires le plus riche du monde ! Si la population mondiale était un village de cent personnes, il n’y en aurait que neuf qui seraient européennes et 18 indiennes ! 

L’écologie, n’est pas encore à l’ordre du jour ici…


Depuis les bords de la route les singes nous encouragent et les scorpions et serpents écrasés sur le bitume nous rappellent ce qui se balade dans la dense végétation qui nous entoure ! Les déchets aussi jonchent la nature et on doit malheureusement faire le ménage autour de nos spots de camping si on ne veut pas dormir sur des déchets plastiques…

Vu deux scènes surréalistes cette semaine. La première un homme d’une cinquantaine d’années qui, sur la plage, s’approche de l’océan pour y jeter un plein sac poubelle en toute sérénité. La seconde un ouvrier du bâtiment déchargeant son camion de sacs de ciment vides dans le lit d’une rivière…

Un « je-m’en-foutisme » environnemental encouragé par un premier ministre qui sacrifie l’environnement sur l’autel du mythe de la croissance économique. Ce même mythe derrière lequel on court en Europe depuis soixante-dix ans enchaînant burn-out, bore-out et dépressions sans arriver à comprendre que ce n’est pas la croissance économique qui va nous rendre heureux mais c’est bien notre folle course après elle qui entraîne la fonte des glaciers, la montée et l’acidification des océans, le réchauffement climatique et les 50 degrés qu’on est partis pour se taper tous les étés à Paris.

Le pire c’est qu’il y a une probabilité non nulle que le ciment dont l’ouvrier jetait les sacs dans la rivière a été utilisé pour fabriquer une usine fabricant voitures électriques ou autre produits qui seront ensuite expédié… en Europe ! On est très forts en Europe pour inventer tous pleins de beaux pansements à base de greenwashing, finance verte et promesses technologiques parce qu’on n’a pas les couilles d’affronter le problème en face.

Je vous partage à ce sujet mon podcast de la semaine sur le rapport de RTE concernant les différents scénarios pour décarboner la France, hâte de rentrer pour y participer à mon échelle et mettre ma carrière professionnelle en adéquation avec ces mots qui sont, j’en suis tout à fait conscient, faciles à écrire. 

Ce « je-m’en-foutisme » environnemental me donne l’impression d’assister à un suicide national à petit feu.


Le même « je-m’en-foutisme » qui permet aux Indiens de vivre dans ce pays chaotique et que je trouvais rigolo les premières semaines devient, à la longue, assez usant et ma patience envers certains Indiens a été mise à mal cette semaine.

Par exemple lorsqu’on entre dans un restaurant et que le serveur nous laisse demander tous les plats de la carte en nous répondant pour chacun « on a pas » au lieu de nous dire simplement qu’il peut nous proposer une assiette de riz/poulet. Ou les commandes qu’il faut passer trois fois avant de se faire servir trois  petits thés après avoir attendu 25 minutes.

 
Globalement il faut tout revérifier ici… On nous dit « cette route passe pas » , on essaie et ça passe, on nous dit « ça, on n’a pas », on demande au collègue et lui nous l’amène… Bref heureusement que Malte et Olmo sont là et d’une sérénité à toute épreuve !

De belles rencontres


Et puis parfois on a des belles rencontres comme Vaneeshri, jeune femme de 18 ans, qui, alors qu’on était en train de nettoyer nos chaînes, est venu nous demander, le sourire jusqu’aux oreilles, comment on avait trouvé son village qu’on venait de traverser. 

Allez je vous laisse là pour cette semaine et m’en vais finir en beauté cette semaine estivale dans un festival de psytrans avant de laisser à Goa mes camarades et de me remettre en route seul en direction du sud.

À lire aussi, un article de présentation de Tanguy Cleirec : https://cyclotourisme-mag.com/2022/09/27/notre-laureat-de-la-bourse-jeune-voyageur-est-depuis-six-mois-sur-la-route/

Texte et photos  : Tanguy Cleirec
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