Arc-en-Ciel-Aventure : l’autre regard
Voici l’histoire vraie d’une méprise venue des États-Unis : » L’avion à bord duquel Kathy, une personne non-voyante et son chien-guide ont pris place est arrêté sur le tarmac de Sacramento suite à une avarie. Le commandant de bord invite les passagers à descendre se dégourdir les jambes le temps de la révision. Il prie ensuite Kathy à faire de même. « Non merci, répond-elle mais mon chien Fido ne refusera pas la promenade ». À présent que l’on visualise la scène, le soleil est haut, la lumière éclatante, les passagers vont et viennent autour de l’appareil et lorsqu’ils voient le commandant portant des Ray-ban fumées promener un chien-guide d’aveugle tenu en laisse, c’est l’effarement. Certains passagers réclament un changement d’appareil et d’équipage, d’autres de compagnie ».
Émile un cycliste déficient visuel raconte l’aventure cocasse suivante : « Je revenais de la supérette le cabas dans une main, ma canne blanche dans l’autre. À l’approche du carrefour un monsieur fort aimable me dit :
– Auriez-vous cinq minutes pour discuter ?
– C’est que je suis très lourdement chargé comme vous pouvez le voir, répondis-je.
Sur ce, il me dit aussitôt :
– Savez-vous que le Seigneur nous soulage de bien des malheurs ?
– Ah oui, répondis-je à nouveau, pensez-vous qu’il m’aidera à traverser le carrefour ? »
Voici deux maladresses parmi d’autres et fort heureusement sans réelles conséquences que l’on peut rencontrer dans une relation à l’autre notamment dans le domaine de la différence.
Dans les rapports ordinaires le langage construit aussi l’image, ainsi dans : « Ce matin je guiderais mes amis handicapés, l’oreille entend handicap et le regard voit la déficience. Dans : « Ce matin j’accompagnerais Léon, Odile, Céline et François mes amis handicapés, l’oreille entend « amis » et le regard voit les personnes.
Quand un club cycliste reçoit un « public spécifique », on peut raisonnablement penser que la relation ne dépasse pas le seuil de la solidarité et que l’intégration se heurte à une réticence. Lorsque les membres de ce même club reçoivent non plus un « public spécifique » mais Paul et Valérie deux personnes déficientes, la relation sera probablement plus vraie, le handicap posera moins de soucis et l’intégration également. C.G. pilote d’un tandem à qui l’on a posé la question sur son implication a répondu : « Partager le plaisir d’une évasion ». J.D. cycliste au long cours et au palmarès impressionnant, des dizaines de pays sillonnés, des rencontres a répondu : « Partager avec Célestin et Louise le plaisir du vélo et vivre leur bonheur naît de ce plaisir ». Après avoir tracé sur un handi-bike le tout premier trait d’union des personnes en situation de handicap, P.V. un homme jeune victime d’un accident de moto a exprimé sa joie par ce seul mot : « Nickel ! » « Maintenant je sais pourquoi je me lève le matin » a dit P.K. atteint d’une maladie dégénérative et qui a participé au même trait d’union sur un tandem.
Interroger son regard semblerait plus prioritaire que la redondance de conseils et autres recommandations du bien faire, vu que l’on aura autant de regards que d’observateurs comme on aura nombre de personnalités dans une même pathologie. Le meilleur informateur comme il a été vu plus haut est la personne en situation de handicap sachant que l’étude d’une pathologie n’informe que sur celle-ci dans sa globalité non sur le regard qu’Annie porte sur sa pathologie et le rapport à autrui. Le ressenti et le regard de Norbert n’est pas forcément celui de Séverine ni celui de Dimitri bien que leur handicap soit le même.
La bicyclette, petite reine du plaisir et de l’évasion pourrait bien être à sa façon cet autre regard posé sur la différence…