À Vélo… Tout simplement – Nairobi – Addis Abeba – Khartoum

16 octobre – 9 novembre 2017.Depuis notre dernier post, à Addis Abeba, nous avons quitté l’Ethiopie et rejoint le Soudan. Aujourd’hui à Khartoum, nous prenons le temps de mettre à jour ce blog. Ci-dessous un résumé des dernières semaines.
Exceptionnellement un texte un peu long pour ce mois d’aventure
Soixante sixième épisode. *À suivre.

Les raisons de la colère. 


En quittant la capitale, nous avons vite compris que quelque chose clochait. Peu de véhicules sur les routes, ou encore moins que d’habitude, car en général elles sont peu peuplées. Par contre tout au long du parcours, des véhicules calcinés, des traces de pneus brulés. Plus nous avancions, plus la tension suintait de partout.
Rochers dressés en travers de la route, barrières improvisées. Enormément de personne le long des routes avec des bâtons, des fourches…
Puis, entre deux villages, nous avons vu notre première manifestation. Des centaines de personnes, bras levés, scandant des messages auxquels nous ne comprenions rien. Comme nous étions en pleine campagne, nous avons pu éviter le cortège en passant par les champs.
Au village suivant, nous nous sommes arrêtés pour nous ravitailler et essayer de comprendre ce qui se passait. Certaines personnes nous ont dit de ne pas rester, d’autres que nous ne risquions rien. Au final, nous n’avons pas pu savoir ce qui se passait, mais quand la manifestation a rejoint le village, la tension est encore montée d’un cran. Nous avons repris nos vélos et avons filés. Les gens au bord de la route paraissaient à cran. Plus que d’habitude, on nous a lancé des cailloux, courus après…
Nous avons traversé un autre village dans une ambiance fin du monde. Rideaux tirés, bus, camions brulés, pneus entassés fumant encore. 

Quelques kilomètres plus loin, un autre village était bloqué par les manifestants. Cette fois, nous ne pouvions pas l’éviter. Nous avons donc traversé la foule, Nous n’en menions pas large, car comme dans tous rassemblements, surtout contestataires, un rien peu tout faire déraper. Nous avons donc fendu la foule. Patricia en premier pour créer la surprise et l’écartement. Moi derrière qui me suit pris un nombre incalculable de coups sur le dos, répondant parfois, mais surtout avançant rapidement.

Là, encore, nous avons reçu notre lot de cailloux, mais nous n’avons pas demandé notre reste et avons filé rapidement. Que pouvions nous faire. Nous arrêter et attendre ?  Malheureusement, avec notre délai limité pour rejoindre la frontière, ce n’était pas envisageable, car des manifestations comme celle-là, il y en avait dans tous les villages.

Pourtant, à Gohatsion, nous n’avons pas eu le choix. Dans ce village, ce sont la police et l’armée qui nous ont arrêtés. Cela se « frittait » pas mal. Impossible de continuer. Nous n’avions pédalé que 30 kilomètres. Tous les commerces avaient baissé rideaux et les petites pensions, dans lesquelles nous voulions nous arrêter, nous ont refusé, surement par peur d’un aggravement de la situation.

Les militaires nous ont donc escortés vers un hôtel de « classe internationale », gardé par la police. Que fait un hôtel de cette qualité dans ce village, cela restera un mystère.

Nous étions donc en sécurité dans notre hôtel de « classe internationale ». Après avoir négocié notre hébergement, car nous n’avions jamais demandé à séjourner ici, nous avons découvert notre chambre de « classe presque internationale ». Un grand lit, une TV à écran plat, une douche chaude qui fuyait et un WC sans eau. Puisque nous étions bloqués, qu’il n’était que 13 heures, nous nous sommes installés devant notre TV à écran plat et avons regardé des films que j’avais sur une clé USB, puis avons passés du temps sous la douche chaude qui fuyait et lavés du linge.  A l’extérieur, nous entendions la rumeur et sentions l’odeur caractéristique du pneu cramé. Cela brulait du camion et caillassait les flics à gogo.

Le soir, nous sommes allés au restaurant de notre hôtel de « classe internationale ». Comme nous étions les seuls clients, rien de ce qui figurait sur la carte n’était disponible. Nous avons donc mangé la même chose que d’habitude, mais pour deux fois plus cher….

En interrogeant un peu tout le monde, nous avons fini par déduire que le motif du mécontentement, provenait du fait qu’une région était privilégiée par les aides gouvernementale pour l’implantations d’usines, la constructions d’universités… Par rapport aux autres qui étaient abandonnées à leur misère et ne recevait aucune subvention.

Jusqu’où s’étendait le malaise ? Personne ne le savait. Dans la zone de conflit, les communications téléphoniques et internet, détenus par l’unique opérateur national, étaient coupées. Aucune des 3 chaines nationales ne parlait de ces manifestations. C’est ce que nous avons constaté en zappant sur notre TV à écran plat. 

Le lendemain, nous sommes partis de bonne heure, avant que les manifestations ne recommencent, mais aussi parce que la route ne s’annonçait pas des plus facile avec énormément de dénivelé à perdre et à prendre.
En effet, nous allions croiser pour la première fois le Nil bleu en redescendant à 1000 mètres d’altitude.

Général Public Hospital


Depuis combien de temps avais-je cette marque à la cheville ? Je ne saurais dire. Un – deux jours ? Peut-être trois.  Je l’avais remarquée un matin en quittant un de nos hôtels refuge. C’est à dire un hôtel très bon marché mais à l’hygiène douteuse. M’étais-je écorché, ou bien avais-je été « mordu » par une araignée ou autre bestiole ? Pas la moindre idée. 
En fait, je ne m’en préoccupais pas trop. Une marque de plus ou de moins qu’importais? En quittant Addis Ababa, la marque était devenue un petit trou et je commençais à sentir une petite douleur en marchant. Patricia, qui aurait dû être infirmière tellement charcuter les plaies ou autres « bobos » semble la passionner, c’est donc attaqué à stopper tout cela. Dans notre trousse à pharmacie, nous avons trouvé un spray antiseptique périmé depuis 2015, du coton et du sparadrap. Le tour était donc joué. Nous pouvions prendre la route.
Trois jours plus tard, le trou avait doublé et la peau partait en lambeau tout autour. Nous avons donc renouvelé l’opération antiseptique, coton, sparadrap.  Au bout de 5 jours, je n’avais plus un pied, mais une patte d’éléphant et je commençais à avoir vraiment mal en marchant. Mais bizarrement, pas du tout en pédalant. En personne raisonnable, mais pas du tout hypocondriaque, je suis allé au marché m’acheter une canne. Un beau modèle en bois et acier que je compte bien conserver en prévoyance de mes vieux jours… Sur le stand d’à côté étaient vendus pour quelques Birr, les cahiers et stylos « USA AID », don des Etats Unis d’Amérique….

Bahir


Arrivés à Bahir Dar, Patricia a réussi à me convaincre d’aller consulter, car apparemment, cela n’allait pas passer. En contradiction avec mes « ça va passer ».
Nous avons donc pris un tuk tuk pour nous rendre à l’hôpital public général de la ville. Contrairement à mes prévisions et à la foule présente, nous n’avons pas attendu longtemps avant de voir un docteur. Après avoir pris ma tension et ausculté la plaie, le médecin a rendu son verdict et rempli une fiche pour passer à l’étape suivante. Le verdict était : Peut-être une écorchure bégnine contaminée par un manque d’hygiène et de soins.  Ou peut être autre chose. Dans tous les cas, il fallait du repos et ne pas forcer.

Après avoir remercié le toubib et payé la consultation pour un peu moins que les 2 euros que je donnais de temps en temps au clochard avec un nez rouge du cours Berriat quand j’allais bosser, je suis passé à l’étape suivante, qui consistait à nettoyer la plaie.

Pendant que Patricia achetait à la pharmacie les antibiotiques prescrits et la crème à appliquer sur la plaie, l’infirmier à consciencieusement ôté les peaux mortes et remis à nu la blessure avant de déposer l’onguent et faire un beau pansement, m’informant qu’il faudrait revenir deux fois par jour pour nettoyer la plaie et changer le pansement. Là, encore, nous avons remercié l’infirmier et réglé son intervention au 3ème bureau du rez de chaussée, repris un tuk tuk et sommes rentrés à l’hôtel.

Le lendemain, nous avons repris la route et depuis Patricia s’applique matin et soir à nettoyer ma plaie avec notre antiseptique périmé, notre coton et la crème « made in UEA ». Quant à moi je m’applique tout aussi consciencieusement à avaler mes antibiotiques en m’aidant d’une bière locale. Apparemment, nous avons fait cela très bien car mon pied a repris sa forme normale et je n’ai plus mal en marchant. Aujourd’hui, tout est rentré dans l’ordre.

Figaro


Il était temps d’y passer. La dernière fois, que je m’étais coupé les cheveux, c’était au Brésil chez notre ami Klaus, soit plus de 7 mois auparavant. Maintenant ma casquette ne tenait plus sur ma tignasse. Elle s’envolait à chaque coup de vent et m’obligeait à m’arrêter pour aller la récupérer dans le fossé avant la horde de gamins. Ce n’était donc plus possible.
Passer chez le coiffeur en voyage est, en plus, un petit plaisir que j’affectionne. J’avais déjà testé les coiffeurs Indien et Népalais comprenant le massage facial, le coiffeur Ouigour sur le marché de Kashgar, bousculé par les vaches alors qu’il était en train de me raser sur la gorge…

Dans un village, dont je ne me souviens plus du nom, je suis donc allé voir le figaro local. Comme beaucoup de commerces, sa boutique était composée de 3 tôles pour faire les murs et d’une quatrième pour faire le toit. Pas besoin de beaucoup plus. Une fois installé sur le siège, qui suivait dangereusement la pente du terrain, et avoir expliqué par geste la hauteur de coupe désirée, le noir c’est fait…. Devant la boutique, la quasi-totalité du village s’était regroupée pour voir le farenghi se faire couper les cheveux. Après avoir fait un peu de police pour que la lumière puisse à nouveau pénétrer, sous le regard de centaines d’yeux et d’autant de commentaires, je me suis fait faire la totale. Cheveux, barbe, sourcils…. Une fois le travail fini, avec le barbier, nous nous sommes serrés la main, pris par le cou pour la photo de promotion du salon, qui passait d’un coup à salon international et sorti un billet de 10 Birr. Sans attendre la monnaie, je suis reparti à notre hôtel, accompagné de tout mon fan club.

Que la montagne est belle.

 
Depuis Addis Abeba, nous avons renoué avec la montagne. Première belle montée à 2800 mètres d’altitude dès la sortie de la capitale, puis montagnes Russes entre 2 200 et 2 500 mètres. 
Le passage du Nil bleu, qui n’a de bleu que le nom, nous a obligé à descendre vers 1 000 mètres pour immédiatement remonter à 2 500 mètres en 20 kilomètres. En passant, sur le pont enjambant ce fleuve mythique, nous aurions aimé pouvoir nous abandonner à son courant et tranquillement rejoindre la Méditerranée….  Au lieu de cela, il nous a fallu affronter des pourcentages élevés et un goudron dans un état pitoyable. 

Après Dejen, nous avons retrouvé un plateau, jouant à nouveau aux montagnes Russes, mais sans difficultés majeures. Coté tension sur la route, tout semblait fini, laissé dernière nous. A croire que le Nil avait coupé les liens de la révolte. Nous avons retrouvé la paix et les « you you money », accompagnés des jets de cailloux.
Presque plaisant après les épisodes précédents.

Bahir Dar

A Bahir Dar, en plus de l’hôpital, nous avons visité un monastère situé sur le lac Tana. Rien de bien exceptionnel, si ce n’est que dans ce lieu de prière et de retirement, mêmes les moines ne semblaient connaître que le dieu « Money ».  
En quittant Bahir Dar, nous avons encore grimpé quelques jolis cols avant de rejoindre Gondar et ses châteaux, puis nous avons basculé dans la plaine pour rejoindre la frontière Soudanaise.
Depuis nous pédalons à 300 mètres d’altitude dans la fournaise.

Baisser la garde


Gondar, ville touristique. Habituée aux blancs. Nous y étions bien, pas harcelé. Nous avions besoin de nous sentir léger, de relâcher la pression, de baisser la garde. 

Quand nous avons rencontré Alem, nous étions contents de pouvoir discuter, de pouvoir échanger. Il travaillait dans le tourisme, connaissait les problèmes des campagnes… Avec ses redlocks, sa tête de Bob Marley, il donnait confiance. Nous avons sympathisé, parlé du voyage, du Soudan. Comme nous l’avions déjà lu, il nous a mis en garde sur le « black market » de devises à la frontière de notre prochain pays. Faux billets, harcèlement des changeurs…. Lui, par son activité dans le tourisme, pouvait nous faire du change ici, ce qui nous permettrait de passer la frontière sereinement. Tentant. Nous avons donc accepté. Tout était correct, les billets n’étaient pas faux, le taux correspondait au taux officiel trouvé sur internet.

Nous avons donc changé nos dernières Birr en Pounds et nous sommes fait avoir, comme nous le découvrirons plus tard.

Pourtant nous savions qu’il y avait un embargo sur les devises étrangères au Soudan. Que sortie du pays la livre Soudanaise n’est qu’un bout de papier, qu’il est difficile de se procurer des US dollars, des Euros ou tout autre devise…. J’aurais du tilter. Avoir en mémoire que ce qui est rare est cher… Que le taux officiel sur « XE. Com » ne signifie rien. Mais voilà, nous ne nous sommes pas méfié, nous avions baissé la garde. Ce qu’il ne faut jamais faire en Ethiopie. Quelques jours plus tard, en arrivant à la frontière, nous nous sommes vite rendu compte que le taux du « black market » affichait plus du double de ce que nous avions obtenu auprès de notre « ami » qui nous avait bien vu arriver et nous a bien pigeonné…. Heureusement que nous n’avons changé que nos Birr et pas nos USD….

Guet-apens.


Le resto paraissait sympa. Juste un peu en dehors de la ville pour ne pas être observé par la foule. Une petite terrasse pour rester près des vélos, un petit enclos devant la demeure. Parfait. Nous allions pouvoir déjeuner en paix. Profiter pour une fois de notre repas. Cuisine locale habituelle. Injera et son lot de petits mets. Patates, lentilles et autres. Prix conforme aux autres jours, coca à une Birr de plus, mais nous étions loin de tout. Aucun problème. Nous avons pris notre temps, seulement observé par deux gamins. C’est au moment de payer que cela s’est gâté… Les prix, que nous avions pourtant demandés, fait confirmer, comme à notre habitude, avaient triplés.
La dame du restaurant n’était plus seule, mais accompagnée par 3 hommes nous intimant de payer le prix demandé, bloquant l’entrée. Commençant à prendre les vélos. Même une grand-mère est apparue, brandissant une pierre au-dessus de sa tête… S’en était trop. Cela sentait le coup prémédité, l’envie de faire raquer les deux blancs.
Mauvaise pioche. Depuis le temps qu’ils nous « gonflaient » avec leurs arnaques, leurs cailloux, leurs you you… Nous tendre un piège, s’en prendre aux vélos, à nous physiquement… BASTA. La goutte qui fait déborder le vase.

Dans cet instant ou je « pête » un câble, je deviens un autre. La folie qui s’empare de mon être et que rien n’arrêtera doit se voir.  Comme le gros bonhomme tout vert. Pas Shrek ni celui de la banque, mais Hulk. Je dois être encore plus effrayant que d’habitude…. Dans ce cas précis, j’ai vu mes agresseurs, car il s’agissait clairement d’une agression, reculer d’un pas, ne plus savoir quoi faire, s’écarter, commencer à fuir, nous laissant passer sans rien demander. Même pas le prix initialement annoncé, mais que Patricia, qu’il faudra béatifier un jour, paye tout de même, par honnêteté, sous le regard apeuré de ces crapules.

Pourtant nous savons.


Nous savons que nous sommes des privilégiés. Nous savons que pouvoir pédaler pendant quatre années sans bosser n’est pas donné à tout le monde. Nous savons que nous avons pu choisir notre style de vie. Nous savons que nous avons la chance d’être en bonne santé, de manger à notre faim. Nous savons que nous sommes nés du bon côté de la planète. En occident, plus précisément en France. Nous savons que nous avons été conçus par amour et non pas par nécessité pour aller chercher de l’eau, couper du bois, garder le troupeau. Nous savons tout cela et en avons conscience quotidiennement. C’est justement parce que nous avons cette conscience que nous pardonnons (ou pardonnerons) aux Ethiopiens de nous avoir pris pour une fête foraine. De nous avoir pris pour des clowns qu’il faut chahuter, de nous avoir pris pour le ticket de loto gagnant. Car finalement, si nous avons pu faire sourire ou rire ou seulement distraire, cela vaut bien quelques cailloux ou tirages de sacoches, car dans 10 ans, ils seront toujours au bord de la route à porter de l’eau, à couper du bois, à conduire le troupeau ou à jeter des cailloux. Alors que nous, nous aurons regagné notre confort de privilégiés et penserons avec nostalgie à l’Ethiopie. Et nous, qu’aurions nous fait au cycliste de passage, si nous étions gardiens de chèvres sur un plateau Ethiopien ? Je suis content de ne pas avoir la réponse.

Retour vers le futur.


Plus que quelques kilomètres. Plus que quelques kilomètres et nous en auront fini avec l’Ethiopie. Dur de dire cela, mais c’est bien la première fois que nous sommes content de quitter un pays, même si nous arriverons à pardonner la bêtise de ses habitants.

Plus que quelques kilomètres et déjà une myriade de Tuk tuk à nos trousses qui veulent changer nos devises. Une cohorte d’abrutis se battant presque, s’insultant… Ceux qui abandonnent la partie nous doublent en nous disant de filer changer au Soudan… Que leurs collègues, toujours à nos trousses, sont des voleurs, des menteurs.

Mais nous n’avons pas besoin de leurs conseils. Nous voulons quitter le pays, ne plus rien avoir à faire avec eux. Plus que quelques centaines de mètres, de mètres, de centimètres. J’ai même failli me prendre la corde tirée au milieu de la route, marquant la fin du pays et obligeant l’arrêt pour passer à la douane. En fait la douane, ce sont 3 officiers assis dehors sur des chaises en plastique qui ont le tampon d’entrée ou de sortie. Formalité ultra rapide en drive in. De l’autre côté de la corde, un pont. Frontière naturelle. Nous sommes au Soudan.
En 100 mètres, nous avons fait un bon de 7 années et sommes revenus en 2017. L’Ethiopie est encore en 2010… Le jour de l’an était le mardi 12 septembre. Jour où nous nous étions présenté à l’ambassade Ethiopienne de Nairobi.

Nous posons les vélos, rentrons dans le bureau d’immigration. Coup de tampon d’entrée. Mais il faut payer une taxe d’enregistrement. Dehors il y a des changeurs qui prennent toutes les devises. C’est ici que nous comprenons que nous nous sommes fait avoir à Gondar. Le taux proposé est vraiment plus intéressant. Après marchandage, nous changeons 100 USD. De ce côté, pas de risque de faux billets. Ils passent de la main du changeur aux caisses de l’état pour payer cette foutue taxe.

Tout est en ordre. Ma roue arrière, avec ses 3 rayons en moins est bien voilée. (Elle est facile celle-là).  Patricia n’a aucune obligation vestimentaire. Nous pouvons passer. Welcome to Soudan nous disent les officiers. 

Laissant les vélos aux policiers, nous traversons la rue poussiéreuse et allons-nous installer dans un boui-boui pour « prendre la température » du pays. Nous commandons une espèce de pain perdu avec de la sauce tomate. Le prix est correct les gens charmants. Nous aimons déjà le pays.

C’est ma tournée


Nous sommes à peine installés et n’avons pas encore attaqué notre plat, que déjà apparaissent sur notre table 2 bouteilles d’eau. Méfiant comme si nous sortions d’Ethiopie, nous faisons remarquer que nous n’avons pas commandé cela.

C’est offert. Welcome to Soudan nous dit un homme à la table d’à côté. C’est moi qui vous offre….

Un peu gênés, nous bredouillons des excuses, remercions. La conversation s’engage. D’autres personnes arrivent. Des tasses de thé apparaissent, Welcome to Soudan. C’est du thé à l’Hibiscus. Il faut gouter. C’est du thé aux épices. Il faut gouter. Welcome to Soudan.  Ainsi de suite. Nous sommes bien, nous pourrions rester toute la journée à gouter les différents « chaï », mais il faut penser à progresser un peu. Nous voulons payer les thés. Impossible. Les gens sont agréables, ont le sourire, parlent un peu Anglais. Nous savons que nous allons pourvoir baisser la garde. Nous aussi avons retrouvé le sourire et nous voulons avoir le dernier mot en payant notre tournée. Donc en partant, nous avisons la petite vendeuse de thé. Payons des verres, l’envoyons au boui boui pour les offrir aux clients et filons.
Le soir nous reprenons nos habitudes de bivouac. Planter la tente, faire chauffer nos spaghettis. Un plaisir simple qui nous a manqué…

La pause breakfast. 


Tout au long de notre progression vers Khartoum, nous avons apprécié l’accueil, la gentillesse, l’hospitalité des Soudanais. Cela a ravivé quelques souvenirs antérieurs, retrouvant le même accueil que nous avions reçu en Iran quelques années plus tôt.

Sur la route il y a régulièrement des petits « shop », ou des stations-service vendant des boissons, du thé, de la nourriture.

Nous y faisons halte systématiquement pour nous abreuver de sodas bien frais. Dans le pays le petit déjeuner se prend entre 9 heures et 11 heures.

Lors de nos arrêts, il n’est pas rare que nous tombions sur une tablée partageant le Foul, la nourriture locale. Chacun plongeant sa main (uniquement la droite) dans le plat commun. Il est très rare que nous n’y soyons pas invités. 

Un jour, dans une station-service ou nous voulions acheter l’essence pour le réchaud, nous sommes arrivés à l’heure du breakfast. Boutique fermée, voiture devant les pompes. Clients et pompistes, assis par terre en train de déjeuner. Nous avons été invités à venir tremper nos doigts dans le grand plat en inox.  Une fois terminé, la vie a repris son cours. Les pompistes ont rempli les réservoirs, les clients payés leur essence….

Une autre fois, lors d’un arrêt à la boulangerie, un client nous a invité chez lui pur boire un thé. Nous avons accepté, car il faisait très chaud et que nous étions contents d’aller nous mettre à l’ombre. En plus du thé, nous avons pris une douche, mangé, fait connaissance avec une grande partie de la famille. La petite pause à durée 3 heures….

Difficile de prévoir les kilomètres quotidiens dans ces conditions… Nous aurions pu rester dormir d’ailleurs. Notre hôte se proposant de nous conduire à Khartoum le lendemain…

En plus de la pause déjeuner, il n’est pas rare de trouver porte close lors de la pause prière. D’ailleurs beaucoup d’établissements ont, devant leur boutique, un tapis et des bonbonnes d’eau pour les ablutions. Chacun peut donc s’arrêter et se mettre en conformité avec ses croyances. 

Khartoum. 


Finalement, entre les pauses thé, les pauses chaleurs, nous sommes arrivés à Khartoum. Tous les soirs nous avons pu bivouaquer sans soucis. Au bord du Nil, sous des acacias, dans la cour d’un poste de Police, derrière une station-service… 

Dans la capitale, nous sommes hébergés par un charmant couple vivant au sud de la ville. Jeannette de Nouvelle Zélande, professeur d’Anglais dans un collège chic et Basim son mari Irakien, poète et écrivain de renom. Nous y passons quelques jours pour mettre à jour le blog et demander un nouveau visa. Celui de « transit » obtenu à Addis Ababa étant presque à expiration.

L’épreuve administrative.


Pour ce nouveau visa, nous nous rendons à l’immigration. Un important complexe policier. Après avoir signé le registre d’entrée, nous passons avec les vélos à l’intérieur de l’enceinte. Une petite ville. Avec ses vendeurs de boissons, ses vendeurs de snacks, ses préposés à la photocopie, ses photographes….

Une fois les vélos cadenassés, nous pénétrons dans l’antre….  Une fourmilière humaine.  Dans tous les sens, des centaines de personnes circulent, montent, descendent les escaliers font la queue devant un guichet, s’interpellent, se passent devant. Déjà nous savons que cela va être compliqué….

Le jeu peut commencer. Trouver un guichet avec pas trop de monde pour nous faire indiquer le bon. Rien n’est écrit en Anglais, pas un numéro sur les officines.

Au total, nous patienterons devant 13 guichets (j’ai compté) répartis sur 2 étages. A chaque fois pour recevoir un tampon, autorisant à aller parler dans l’hygiaphone suivant, remplir un papier, qu’il faut faire tamponner dans un autre endroit. Etc.  Un monde de paperasse kafkaien. Avec bien évidemment, les bureaux fermés pour pause déjeuner ou prière….

Malgré la gentillesse des gens, au guichet, c’est la guerre. Tous essayent de se passer devant, tendent des feuilles, interpellent, bousculent, crient, passent la tête dans l’étroit passe-documents.  Avoir les nerfs solides et ne rien lâcher, surtout si l’on ne parle pas la langue. Faire bloc et ne pas hésiter à repousser sèchement les gens pour ne pas se faire déborder.

Nous avons compris pourquoi il y avait des cafétérias à l’extérieur, des photocopieuses un peu partout. Nous avons fait 8 photocopies de feuilles avec un tampon. Avons mangé des sandwiches, bu des cocas….

Nous avons sympathisé avec des personnes que nous avons croisés une bonne dizaine de fois, nous sommes vu offrir des sandwiches, des boissons, par d’autres que nous n’avions jamais vues.

Finalement, nous avons réussi l’exploit de repartir avec notre nouveau visa valable jusqu’au 30 novembre. Soit 23 jours supplémentaires. 

Comme beaucoup de monde, pour l’obtenir dans la journée, nous avons dû verser un petit bakchich. Cela semble être la règle si l’on ne veut pas revenir le lendemain et recommencer ce cirque pour récupérer son bien. Les guichets ferment officiellement à 15 heures, mais la majeure partie des gens restent, attendent devant l’ultime bureau avec un billet à la main. Pour rémunérer la gentillesse du fonctionnaire qui veut bien faire des heures sup…. D’ailleurs tout va beaucoup plus vite et tout le monde à le sourire.

Nous sommes arrivés à 9h00, en sommes repartis à 17 heures.

Heureusement que nous avons rencontrés des gens agréables qui nous ont expliqués les « règles » et indiqués les procédures, sinon, nous aurions abandonné.

La prochaine queue dans une administration Française nous fera sourire.

La suite


Traversée d’un désert nommé Sahara. En suivant le Nil qui sera notre fil d’Ariane.
Seule appréhension, l’état du matériel qui commence sérieusement à être usé. 3 pneus sur 4 à la corde, chaines qui n’accrochent plus vraiment les pignons, rayons qui commencent à manquer… Sans parler des matelas percés, des fermetures éclairs de la tente qui ne ferment plus… Il faudra que cela tienne jusqu’en Egypte, car ici, il ne faut pas compter trouver du matos.

Rendez-vous à Assouan.

* Ce sont les paroles et photos de Patricia et Christian que vous retrouvez tout au long des reportages.
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