Santé : Sur les chemins, méfiez-vous des tiques !
Le milieu de la tique
Sur le coup de midi, vous avez senti un appel de plus en plus pressant de votre estomac. Justement un coin herbeux et ombragé apparaît, ménageant une jolie vue sur les vallonnements environnants. Bien assis dans l’herbe tendre vous dégustez votre casse-croûte. La partie gastronomique achevée, vous pouvez même vous laisser aller à une petite sieste. Rien ne presse, l’hôtel ou la chambre d’hôtes est réservé depuis longtemps.
À votre arrivée, la douche réparatrice du soir ne révèle habituellement rien de particulier… sauf si vous voyez avec horreur une bestiole brunâtre ou grisâtre solidement implantée dans votre épiderme. C’est une tique ! Faute d’attention pendant vos ablutions, vous ne l’avez peut-être pas remarquée d’autant plus qu’elle affectionne des endroits discrets : entre les doigts, derrière les oreilles, plis des genoux, nombril, aisselles, aine, pubis ; la peau y est plus fine !
Elle restera alors en place plusieurs heures, voire plusieurs jours se gorgeant du sang qui est nécessaire à son développement. De l’œuf au stade adulte, la tique doit effectuer trois repas de sang, à l’état larvaire, à l’état nymphal et enfin à l’état adulte. Sa taille ira croissant, de la dimension d’une tête d’épingle pour la larve à un bon centimètre pour l’adulte. Son poids aura été multiplié par 600 ! Imaginez qu’après le repas qui accompagne l’assemblée générale de votre club, vous passiez de 60 kg à 36 tonnes. C’est après plus de 12 à 24 heures de présence sur votre corps que les risques de contamination deviennent importants. Ce qui vous laisse quand même le temps de remarquer l’intrus.
C’est au cours du repas sanguin que la tique est capable de transmettre via le va-et-vient du flux salivaire/sanguin un grand nombre d’agents pathogènes : virus, bactéries et parasites, vous avez le choix. Ces agents pathogènes, notre tique les a acquis au cours d’un précédent repas sanguin sur un hôte lui-même infecté qui joue le rôle de réservoir à bactéries. Sachant que la tique la plus répandue, Ixodes ricinus, est capable de « fréquenter » 300 espèces animales depuis les micro mammifères (musaraignes, campagnols, lérots, etc.) jusqu’aux animaux de grande taille (sangliers, cervidés) en passant par les oiseaux, on comprend qu’elle multiplie les chances de s’infecter et donc in fine de vous contaminer.
Nos conseils pour retirer une tique
Surtout ne pas arracher brutalement l’intrus. Observez d’abord que l’animal a bien quatre paires de pattes. Ce n’est donc pas un insecte (six pattes) mais un acarien cousinant avec les araignées. Vous me direz que ces huit pattes vous font une belle jambe ! C’est pourtant important. En effet, quand on a huit pattes façon araignée, on a aussi des chélicères : deux poignards lilliputiens qui entaillent et dilacèrent la peau et permettent l’intrusion d’un minuscule cône porteur de dents rétrogrades. L’ensemble de ces pièces buccales forme un rostre ancrant fortement l’animal dans votre chair. Vous n’avez rien senti car la tique injecte par le rostre une salive anesthésiante et anticoagulante. Fonctionnant à la manière d’une paille, le rostre suce le sang et injecte la salive anesthésiante telle une pompe aspirante et refoulante.
Résistez à l’envie d’attraper l’animal entre deux doigts pour l’extraire. Vous ne feriez que l’arracher en laissant sa tête et le rostre en place ce qui ne manquera pas de provoquer une inflammation.
À défaut de posséder un tire-tique acheté chez le pharmacien, rarement rangé avec les démonte-pneus, on utilisera la pince à épiler de madame. Il faut saisir l’animal au plus près de la peau et tirer très lentement. Il faut tirer sans saccades ni rotations pour éviter de laisser en place le rostre épineux. Les plus adroits, devant une grosse tique, utiliseront un fil à coudre avec lequel ils feront un nœud coulant amené au plus près du rostre. On serre alors le nœud et on tire lentement pour extraire la tique en entier. Il ne reste plus alors qu’à désinfecter le point d’ancrage.
L’attitude à adopter
Tout d’abord seules quelques espèces de tiques sur les quarante présentes en France sont dangereuses. Elles sont capables de véhiculer des agents pathogènes et/ou attirées par l’épiderme humain.
Parmi ces dernières, le taux d’infection par Borrelia varie selon les régions : de 6 % dans l’ouest de la France à 32 % en Alsace. Vous avez donc pas mal de chances d’échapper à une tique contagieuse. Et même si vous êtes mordu par une tique porteuse de borrélies, le risque de développer la maladie de Lyme est estimé à seulement 10 %. Il n’en reste pas moins que le réseau sentinelle des médecins généralistes estime à 35 000 par an le nombre de nouveaux cas en France.
La population concernée en premier comprend les personnes en contact fréquent avec les hautes herbes et les forêts. C’est là que les tiques sont abondantes, du printemps à l’automne : agriculteurs, forestiers ou… cueilleurs de champignons. Le cyclo n’est pas très présent dans cette population mais il lui est conseillé d’éviter ces biotopes dangereux. Grimpée sur une brindille – jamais les branches hautes d’un arbre – la tique attend un hôte convenable qui trahit sa présence par les effluves issus de sa respiration (gaz carbonique) et de sa transpiration (acide butyrique). Elle se laisse alors tomber et chemine sur vos vêtements, puis sur votre peau, à la recherche de l’endroit favorable à la morsure.
En conclusion, évitez de batifoler trop longuement dans les herbes hautes, les broussailles, les ronciers et les forêts. Vérifiez soigneusement vêtements et épiderme visible avant de remonter en selle et regardez attentivement sous la douche les parties cachées de votre anatomie. Enfin, si la tique est présente, évitez surtout de la saisir à deux doigts. Écraser son abdomen facilite l’injection des bactéries dans votre organisme. De même et contrairement à des idées reçues, n’essayez par d’étouffer la tique sous un film de vaseline ou autre liquide. Vous ne feriez que provoquer la régurgitation d’une salive chargée de bactéries.
Les conséquences d’une morsure de tique
Parmi les agents pathogènes transmis par Ixodes ricinus retenons, pour faire court, ceux responsables de la maladie de Lyme ou borréliose. Ce sont des bactéries appartenant au groupe Borrelia bugdorferi. Si la tique a eu le temps de transmettre les Borrelia, vous serez alertés dans les jours qui suivent par l’apparition d’une auréole rouge dessinant un ovale s’étendant progressivement autour de la piqûre. Cet érythème chronique migrant s’accompagne le plus souvent de maux de tête, de douleurs articulaires, voire de fièvre, ce qui vous incitera à consulter au plus vite votre généraliste. Un traitement antibiotique doit normalement arrêter l’évolution de la maladie de Lyme. Soigné ou non, votre érythème chronique migrant, qui n’est d’ailleurs pas systématique, va disparaître au bout de quelques semaines. Ce n’est que des mois plus tard qu’une phase secondaire intervient.
Douleurs articulaires, problèmes cardiaques (palpitations), troubles neurologiques entraînant des douleurs autour du point de morsure ou des douleurs faciales, vous conduiront obligatoirement chez votre médecin. Avec des difficultés pour poser le diagnostic, vous avez souvent oublié la présence d’une tique sur votre peau… si vous l’avez vue.
Les atteintes articulaires et neurologiques peuvent même ne se manifester que plusieurs années après la morsure. Pour établir le bon diagnostic il faudra alors utiliser des tests sérologiques dont certains peuvent donner des faux négatifs. C’est ce qui nourrit une vive controverse. Pour les uns la maladie de Lyme reste peu connue des médecins et est donc sous-estimée. Pour les autres, elle est diagnostiquée à tort et à travers en dehors des recommandations officielles.