Petite histoire du critérium du jeune cyclotouriste (2/2)
En soixante-trois ans le critérium a évolué… un peu. Le VTT s’est invité, les concurrents route sont de moins en moins nombreux… Il garde ses partisans et ses détracteurs… tout comme autrefois !
Dès le début de son mandat, Léon Creusefond, président de la Fédération française de cyclotourisme et son équipe, André Lalanne, et André Pelletier en tête, croient fermement en la jeunesse à qui les clubs doivent « largement s’ouvrir, leur laisser la liberté d’action qui leur est indispensable… »
Le critérium, épreuve de propagande
Dans l’esprit des dirigeants, le critérium répond à deux objectifs : intéresser les jeunes et faciliter le recrutement. Les prix importants – bourses de voyage à l’étranger – dont est dotée la finale nationale, doivent être une motivation suffisante pour concourir. Ainsi, après la deuxième place obtenue par Alexis, le président d’Orléans-Cyclo-Tourisme, écrira « Le voyage en Yougoslavie qui le récompense fera bien des envieux parmi ses camarades. »
Des critiques et une question
« Le critérium est-il utile ? » Telle est la question posée dans la revue de mai 1966, sous la plume d’André Pelletier, le « père » du critérium. Il poursuit : « Certains dirigeants se plaignent. Le critérium devait être pour nos clubs la base du recrutement. Nous avons fait plusieurs expériences, les jeunes s’inscrivent, participent, décrochent une belle récompense puis…disparaissent.» Le « père » du critérium a un point de vue différent et leur répond : « Il ne faut pas confondre But et Moyens. Ne dites pas : le critérium n’a pas amélioré le recrutement de notre club. Dites : Que proposons-nous à ces jeunes qui sont venus à nous ? »
La même année, dans le bulletin du club, le président du CASOR (Club Athlétique du Sud-Ouest Rochefort) livre ses pensées et juge que le critérium se rapproche trop de la compétition ; il ajoute : « Sur 53 participants à l’épreuve locale […] nous n’avons eu qu’un ou deux nouveaux qui effectuèrent quelques sorties timides. »
Dans les années 70, le président du club de Colomiers, dans la Haute-Garonne, est farouchement opposé à ce type de manifestation pour les jeunes. Il la trouve élitiste, pense que la Fédération française de cyclotourisme a bien mieux à faire pour les jeunes avec le budget qui lui est consacré et défend la pratique du voyage à vélo.
De plus, la participation aux finales nationales n’était pas sans poser des problèmes aux responsables des clubs et ligues des qualifiés : déplacements souvent lointains, aller-retour sur un week-end et frais élevés.
Raymond Wittoeck, président de la ligue des Flandres, écrit dans Cyclotourisme de juillet-août 1970 : « Le choix de Cahors pour la finale était pour nous la meilleure et la pire des choses ; nous étions partagés entre deux sentiments : la joie d’offrir à nos jeunes sélectionnés un séjour, très court hélas, dans une des plus belles régions de France et la hantise d’un long voyage aller et retour à effectuer dans un délai trop bref. Vu sous l’angle financier cela devint de l’angoisse. »
Paroles de jeunes, d’hier et d’aujourd’hui
Ces paroles de jeunes sont celles d’anciens et de plus jeunes qui ont participé aux critériums dans les années 70 et 2000.
À ce sujet, on remarque que le comité directeur actuel compte trois lauréats du critérium : Martine Cano, présidente ; Jean-Marie Brousse, trésorier ; Stéphane Gibon, président de la commission Longues distances et Brevets sportifs…
Gérard Salvy (US Colomiers)
En 1971, Gérard Salvy (US Colomiers) avait 19 ans et participait à la finale nationale à Rouen. Il raconte :« J’avais terminé 3e au critérium ligue Pyrénées et le voyage s’était effectué en voitures avec Claude Turmo et Eugène Nègre et les autres qualifiés de la région. Nous étions hébergés en hôtel. Les épreuves me paraissaient logiques, c’était la base du cyclotourisme. J’avais terminé 5e ou 6e et gagné un séjour où je n’étais pas allé. Cela avait été une bonne expérience .»
Philippe Deveaux (US Colomiers)
Le club de Colomiers était également représenté par Philippe Deveaux qui se souvient que leur participation aux sélections départementales avait créé un cataclysme au sein du club car le président était farouchement opposé à ce type de manifestation pour les jeunes. « Nous y avions participé en ayant lu un article dans la presse. » Il se souvient « que l’ambiance de la finale était studieuse, type concours…. liée au désir de bien faire. »
Concernant les épreuves, il considère « qu’il n’y avait rien de bien compliqué pour nous qui faisions des voyages à vélo et des randos tous les dimanches. C’était un jeu avec le stress en plus, c’est-à-dire, rentrer au point de départ en ayant bien répondu aux questions et en ayant fait le circuit dans les temps. »
Il ne manque pas de nous narrer une anecdote qui montre bien l’état d’esprit du cyclotourisme éloigné de la compétition : « Sur la fin du parcours, j’ai rencontré un concurrent un peu à la dérive. Il avait pris une moyenne un peu élevé et il avait peur de prendre beaucoup de pénalité sur son parcours.
Après discussion, je lui ai proposé de se mettre dans ma roue, lui assurant que je le mènerai à l’arrivée dans les temps impartis. Je me permettais même de l’attendre dans les bosses. J’étais fier d’avoir rempli le contrat. Il n’avait pas eu de pénalités et j’étais vraiment content pour lui.
À la remise des résultats, mon ami d’un moment me précédait d’un point. Il aurait suffi que je ne l’attende pas dans une côte… Il finissait premier et moi second. J’étais un peu déçu sur le chemin du retour, mais on ne se refait pas. Tout petit, j’étais déjà un voyageur à vélo avant d’être un compétiteur. Ça s’est vérifié par la suite. »
Quant aux récompenses : « Pour moi, aucune. Comme nous venions de loin, nous sommes repartis avant la proclamation officielle des résultats. Le voyage qui récompensait le second n’ayant pas été bien présenté par la Fédé, j’ai cru que j’avais à le payer, donc je n’en ai pas profité. Personne à la Fédé ne s’en est vraiment préoccupé. Dans la tête d’un jeune, ça laisse quelques goûts amers. »
Martine Cano
C’est en 1971 et 1972 que Martine Cano a remporté le critérium, une époque où les finales étaient « couplées » avec une concentration nationale de la Pentecôte : randonnée Viking de Rouen en 71, route des vins à Colmar 1972 – et BPF du Haut Koenigsbourg. Cette année-là, le parcours du critérium, avait été « agrémenté » de l’ascension du collet du Linge qui culmine à 987 m.
Guillaume Renault (Orléans-Cyclo-Touriste)
Beaucoup plus récemment, Guillaume Renault, licencié au club Orléans-Cyclo-Touriste, a participé à la finale nationale de 2007 à Figeac dans le Lot. L’organisation est bien rodée, modernisée. La veille des épreuves : photo souvenir individuelle, contrôle des machines et des trousses de réparation. La sienne lui permet de réaliser le test mécanique sur une chaîne cassée. Et répondre à la question « vicieuse » : comment se nettoyer les mains lorsque l’on est sur la route après cette réparation ? « Bien sûr, il suffit de se passer les mains dans l’herbe ou dans du sable. J’ai eu le maximum de points sur cette épreuve. »
Les épreuves principales se déroulent le lendemain avec une épreuve nouvelle par rapport aux premières éditions : la maniabilité. Peu habitué aux petits cailloux du chemin où se déroule l’épreuve, Guillaume
galère un peu… mais se rattrape sur l’épreuve sur route. À 23 h 30, il découvre sa performance : 4e sur 20 dans sa catégorie et 8e sur 75 toutes catégories confondues : « un très beau résultat pour moi !»
En 2008, à Ergué-Gabéric, il améliore son résultat avec une 3e place de sa catégorie et 7e au général. Nous sommes déjà dans l’ère « moderne » avec la présence du VTT et des finales qui se déroulent au cours de la Semaine nationale des jeunes. Option abandonnée aujourd’hui. Cette année, elles se déroulent sur le site de la Maxi-Verte 2024, le week-end de l’Ascension à Puy-l’Évêque.
Plus d’informations sur la finale du critérium du jeune cyclotouriste qui se déroulera les 9 et 10 mai prochains sur https://ffvelo.fr/randonner-a-velo/ou-quand-pratiquer/les-evenements/criterium-du-jeune-cyclotouriste-2/
Un commentaire
Bel article. Georges. Merci !
Dominique BFC