BRM 400 à Montluel – Le défi de Didier
La parole à Didier
Cette année, je n’avais prévu de ne faire que les trois premières distances des Brevets de Randonneurs Mondiaux (BRM). Après les 200 et 300 km effectués à Feurs (Loire) en mars et avril, me voilà, le 23 mai, à 18 h, au départ du BRM 400 organisé par les membres du Racing Club de Montluel.
Les prévisions météo étaient claires : pas de pluie, du soleil, mais un risque de gelées nocturnes sur le massif du Jura. Les organisateurs vérifient nos éclairages, nos chasubles haute visibilité et s’assurent que nous avons des vêtements suffisamment chauds. Après un dernier café, un morceau de quatre-quarts et la photo souvenir, les cinq participants du BRM 400 et la participante du BRM 300 s’élancent.
Habituellement, les BRM 400 démarrent en milieu d’après-midi, vers 16 h, mais ce départ un peu plus tardif ne change rien à l’affaire : il va falloir rouler toute la nuit, et on aime ça ! Par un concours de circonstances, je me retrouve à faire les deux premiers kilomètres seul en tête.
Je suis rapidement rattrapé et doublé dans la première montée par les cinq autres engagés, qui passent comme des avions en m’incitant à m’accrocher à leurs roues. Pas encore échauffé et lourdement chargé (vêtements chauds + ravitaillement pour la nuit), je reste sagement dans mon rythme.
Une nuit de défis et de rencontres
Le premier contrôle à valider est Belley (km 79). On passe par Pérouges, Saint-Sorlin-en-Bugey, puis on suit le Rhône (qui est marron en cette période de vidange des barrages) par Serrières-de-Briord et Saint-Benoît.
À Glandieu, on quitte la vallée pour affronter la première côte sévère du parcours : une centaine de mètres de dénivelé en un peu plus d’un kilomètre. Je suis à Belley vers 20 h 45. En centre-ville, j’aperçois la jeune femme qui est sur le BRM 300 en train de se restaurer. Les deux parcours sont communs jusqu’ici. Je lui souhaite bonne route et prévois de faire une pause restauration à la sortie de la ville.
Avant d’y parvenir, je suis rattrapé par Dominique Pillet de Chambéry, qui avait lâché prise après quelques kilomètres en sur régime. Il a déjà fait sa pause et continue seul. Je m’arrête une demi-heure pour me restaurer : deux cheeseburgers, un donut, un coca et un double expresso – un cauchemar pour tout diététicien. Quand je repars, il fait nuit noire.
Le contrôle suivant est situé à Gex (km 175), près de la frontière suisse. Désormais, on emprunte la ViaRhôna®, déserte à cette heure. À peine 5 km plus loin, je tombe sur un blaireau furieux de ma présence. Ouf, pas de collision, mais une belle montée d’adrénaline ! On traverse Chanaz (km 92) toujours sur la ViaRhôna® jusqu’à Serrières-en-Chautagne (km 103).
Deux kilomètres avant ce village, le Rhône a « mangé » la voie cyclable lors d’une crue il y a deux ans. Les usagers ont créé un sentier parallèle plein de trous, de gadoue et de pierres, absolument pas adapté pour un vélo de route chargé. Adieu ViaRhôna®….
Entre effort et solidarité
La ville suivante est Seyssel (Haute-Savoie, km 114). Pour y parvenir, je suis sur une route à grande circulation où l’on me fait comprendre que je ne suis pas le bienvenu. Je ne sais pas si je ne préfère pas les blaireaux. De plus, en face, c’est le parcours de liaison d’un rallye automobile, avec un concerto d’échappements libres et de moteurs survoltés.
Mes bidons commencent à être très légers, il faut que je trouve rapidement un point d’eau. Dans Seyssel, je ne trouve rien, mais à la sortie de l’agglomération, je vois des gens réunis autour d’une table copieusement garnie. Ils acceptent de me dépanner d’un peu d’eau et me disent qu’ils fêtent les voisins. Ils sont estomaqués quand je leur explique ma présence à vélo ce soir-là.
Je reprends mon chemin en direction de Bellegarde-sur-Valserine (km 135). Pour y parvenir, le profil présente de bonnes côtes à partir du village d’Usinens (km 121) jusqu’à Chêne-en-Semine (km 126).
C’est dans cette partie escarpée que je constate un problème mécanique avec mon dérailleur : impossible d’engager le dernier pignon de 36 dents. Je suis limité à celui de 32 dents. J’ai fait changer mes câbles de dérailleurs une semaine auparavant, mais je n’ai pas utilisé ce braquet extrême lors de ma sortie de test. Je tente une manœuvre de tension du câble à la lueur de la frontale, sans succès.
Je suis au col de la Faucille (km 187, 1 323 m) à 4 h 35. Il fait 0°C et cela va descendre à -3°C au lever du jour. Je m’équipe pour la descente de huit kilomètres jusqu’à Mijoux (km 194), où il faut tout pour garder chaleur, vigilance et force pour serrer les freins. Après Mijoux, il y a quatre kilomètres de montée et 250 m de dénivelé pour rejoindre Lajoux. C’est dur, mais le jour se lève, et les prés blancs de givre ne semblent pas perturber les vaches.
La moitié du parcours et les grosses difficultés sont derrière nous.
La lutte contre la fatigue et les doutes
Après Saint-Claude (km 217), où aucune boulangerie n’était ouverte vers 6 h, un long faux plat descendant m’amène à Dortan (km 240), où je trouve enfin une boulangerie ouverte. Dominique est là, lui aussi. La pause, après cette superbe nuit à la belle étoile, est bienvenue.
Le contrôle suivant est à Neuville-sur-Ain (km 293), et on va faire ces 53 km le long de la rivière d’Ain. On passe sur la rive droite à Thoirette (km 257), puis on admire le superbe viaduc de Cize-Bolozon. Après une pause à Neuville-sur-Ain, où j’ai dévoré ce qu’il me restait de nourriture, je repars seul pour le contrôle suivant à Coligny (km 334).
Le vent du nord, qui nous avait poussés depuis le haut Jura, devient un adversaire redoutable. Les petites routes pour rejoindre Saint-Martin-du-Mont (km 298) sont paisibles mais escarpées. Mon dérailleur se rappelle à moi, et après Confranchette, les 14 % de pente me rendent de nouveau piéton.
Le parcours suit le pied du Revermont avec ses innombrables montées et descentes. Je traverse Tossiat, Ceyzériat, Jasseron (km 312), épuisé par le vent du nord et les déclivités. Je songe à couper le parcours en direction de Bourg-en-Bresse pour abréger mes souffrances, mais l’image des encouragements de mon épouse, mes filles et mes petits-enfants est la plus forte. Je serre les dents et appuie sur les pédales.
Les BRM, c’est 40 % les jambes et 60 % la tête.
L’arrivée tant attendue
Je suis à Coligny à 13 h 15. Je repars pour les 70 derniers killomètres sans grosses difficultés et avec le vent dans le dos. Le moral est au beau fixe. À Marboz (km 345), je rejoins la grande route qui relie Lons-le-Saunier à Bourg-en-Bresse. La circulation est dense, mais la traversée de Bourg-en-Bresse (km 361) se passe sans encombre grâce à l’ami GPS.
Nous sommes chaleureusement accueillis par Paul, Alain et les autres membres du RCM avec une boisson bien fraîche, un petit mâchon et des morceaux de pastèque rafraîchissants. Quand on arrive, on est très satisfait, voire fier de ce qu’on vient d’accomplir. Mais en chargeant le vélo dans la voiture, avec les douleurs qui reprennent le dessus, on se dit qu’il faut être idiot pour s’infliger un tel traitement. Et pourtant, 48 heures plus tard, l’envie revient. La vie, quoi !
Données issues de mon GPS Garmin Explorer 2
- Distance : 409 km
- Dénivelé : 4 377 m
- Temps total : 22 h 36
- Temps en selle : 19 h 13
- Pauses : 3 h 23
- Vitesse moyenne : 18,1 km/h
- Vitesse moyenne en selle : 21,3 km/h
- Température : -3°C à +32°C
- Cadence de pédalage : 85 tours/min, soit 98 005 tours de pédale.