Raid VTT dans l’Ain, un sentiment infini de liberté !
Lors de cette semaine dédiée au VTT, nombreux étaient les cyclos à avoir répondu présents. Une convergence de vététistes nucléaires et musculaires, venus des 4 coins de France, habitués férus de pratiques à VTT ou tentés par l’aventure itinérante avec leurs potes, en recherche d’un plein des sens et d’énergie. Gérard qui se définit comme un « vélosophe » nous livre le récit de son expérience dans l’Ain.
Bain de Nature en tourisme vert et sentiment infini de liberté en plein air, dans les Montagnes du Jura Sud, tout en sachant les terrains exigeants pour du cross-country. Ils sont physiquement prêts ! Une santé qui pédale de bonne humeur ! Tous en selle dans l’Ain outdoor ! Notre point de ralliement est au Camping de La Grange du Pin, non loin de Bourg-en-Bresse, entre Lyon et Genève. Un itinéraire qui se décide en grosse partie en fonction des gîtes d’accueil pour un groupe conséquent. La photo de groupe est au bord du lac, banderole tendue de la FFVélo « à vélo tout est plus beau ». Ou « tout est possible » ! Manu donne les dernières consignes, les bagages chargés dans le fourgon d’assistance et sur la remorque modifiée pour commodités.
Seize musculaires et dix-neuf « électriques » homologués partent à l’assaut du Revermont par le col des Justices. En chemin, halte au château médiéval de Rosy (XVe) à Chavannes-sur-Suran et à la chartreuse de Sélignac (1202) derrière son haut mur d’enceinte. Une communauté monastique de l’ordre des chartreux y vécut jusqu’en 2001, devenue la Maison St Bruno, pour des laïcs en lieu de retraite cartusien. Il s’agit de rejoindre les gorges où l’Ain serpente dans un relief calcaire, une descente en Espace Naturel Sensible (ENS), vers la reculée de Corveissiat qui produit le ruisseau de la Balme. De la grotte, il ira dans l’Ain tout proche, bientôt barré d’une centrale électrique. Le viaduc de Cize-Bolozon enjambe l’Ain, avec ses onze arches en plein cintre sur deux niveaux (trains-voitures) et ses 273 mètres de prouesse technique dans une géographie tourmentée. Saboté par les maquisards en juillet 1944, sa reconstruction date de 1950, cette fois en béton habillé de pierre. Ici, les pierres ne manquent pas dans ce chemin pentu, aux pierres instables, qualifié de montée impossible par tous, jusqu’à la chapelle de l’Etoile (639 m) du Massif Jurassien. Un dur labeur en forte chaleur, une solidarité pour pousser les bécanes, un appel à la dopamine ! Les musculaires grimpent, agiles et entraînés. Les watts feront défaut à certains pour s’élever à l’Espace Rivoire, centre de ressourcement (yoga-méditation), village bugiste de Vieu-d’Izenave, yourtes et tipis pour le sommeil réparateur. La mémoire défaille pour la prise de notes, les souvenirs s’estompent déjà d’en avoir trop vu dans la journée…
Manu entreprend un échauffement pour tous devant le gîte écolo-zen, avant la grande montée dans la forêt de Pré Goyet puis de Combe Noire (1000 m), à froid ! La trouée à travers les arbres offre un balcon belvédère sur Nantua et son lac de 400 m enchâssé dans le Haut-Bugey, quand la falaise calcaire surplombe l’autoroute Lyon-Genève en fil mince en bas. Sur le GR de la Valserine, GR9 (de St Amour à St Tropez – 966 Km- chemin de St Jacques) et la GTJ (415 Km à travers prairies et forêts d’épicéas), la montée élève au plateau de Retord, refuge de maquisards, col de Cuvery (1178 m) et col du Crêt du Nû (1351 m) à suivre avec panorama sur le Rhône bleu. L’instant de repos pour attendre tout le monde permet de s’attarder à la flore de cette altitude (RNN depuis 1993) : asphodèle blanc, raiponce orbiculaire en épi, pensée sauvage ou violette tricolore, silène enflé, orpin âcre et doux, grande gentiane, salsifis des prés, vipérine commune, chardon bleu, un parterre admiré après l’effort…1466 plantes recensées, 85 à protéger… La grande descente de 8 Km est éprouvante aux poignets et aux pouces sur les freins, pourtant aguerris, vers le chalet de Laurent Besse baptisé « Jean Macé » (fondateur de la ligue de l’Enseignement en 1866, un illustre bien avant Jules Ferry et son école publique), à 1087 m sur le plateau de Retord et à côté de la station de ski de fond des Plans d’Hotonnes. Les montagnes du Jura s’étendent en un vaste plateau fait de combes, de forêts, de chemins et de villages. L’ancienne ferme réaménagée à Haut Valromey (50 couchages), entre sapins et pâturages très fleuris à cette époque…pour le partage d’un moment convivial vécu en terrasse avec les spécialités apportées par chacun, histoire de recharger toutes les batteries ! Une réhydratation salutaire aussi. La petite pluie du soir ne dure pas.
Des côtes et des côtelettes…
Assouplissements pour repartir…au menu : « patates », côtelettes sans faux plats sur la GTJ ! Une succession de Combes Jurassiennes ludiques mènent au col de Richemond (1036 m), puis Charbernières (1316 m) et Granges du Colombier juste avant l’ascension du col (1501 m). Notre échappée dans le Bugey ! La vue sur le Rhône y est superbe, paysage entre Ain et Savoie, décor bucolique. La montée depuis Culoz réservée aux cyclistes certains jours. Le 110e Tour de France y fera sa 13e étape le 14 juillet 2023 (Chatillon sur Chalaronne – Grand Colombier) – montée 18 Km et 1255 m en D+, pente à 7% en moyenne. Pour la fête nationale, ASO aime les feux d’artifice. Alors, quoi de mieux qu’une course de côte pour amuser le public ? Car cette très courte étape (moins de 140 km) fera la part belle aux grimpeurs explosifs pour une arrivée au sommet. Notre raid venu là comme les ténors du Tour défier le col sans public, repart en descente, vers Culoz. Virages en pif-pafs pour dégringoler tout schuss de 1300 m la montagne qui tombe à pic ! La halte pique-nique au Fenestré (1193 m) vaut son instant de curiosité sur le GR9 -GR59, avec sa vue plongeante sur le lac du Bourget (18 Km de long), dernier chaînon du Jura, le vieux Rhône, le canal et ses barrages, les marais, même si la brume y jette un voile. Époustouflant ! Une descente éprouvante, le regard dirigé bien loin pour parer aux aspérités du chemin. Le morceau de bravoure en immersion dans le plat de la grande tourbière des Marais de Lavours (RNN 1992) est à suivre. C’est la réserve naturelle au pied du Grand Colombier, le long du Séran, tout près de Culoz (261 m). Un virage n’attend pas l’autre. La piste longe le canal de dérivation du Rhône (pour des centrales hydroélectriques et de l’irrigation dès 1850), avant le Rhône lui-même, dans des herbes hautes où la trace ne se voit pas. Au printemps, la végétation a horreur du vide, la reco sans herbes de l’hiver effacée.
La ViaRhôna (Eurovélo 17) du Lac Léman à la Méditerranée (800 Km) au fil du long fleuve tranquille, est piste cyclable trop facile pour des vététistes. Le temps d’apercevoir l’église orthodoxe à bulbe byzantin au Pont de Lucey, en Petit Bugey Savoyard, et le château de Boigne (XIIIe), les monos profitent de la trace sur des kilomètres en rive du Rhône. L’attention est de tous les instants pour éviter la chute et prendre le bon virage, n’est-ce pas Jean-Michel ? Yenne la médiévale, jadis cerclée d’un rempart, au cœur du territoire de la Dent du Chat, ville natale de Charles Dullin (metteur en scène) et son gâteau de Savoie daté du XIVe, est une porte de la Savoie, riche de ses vieux moulins, du battoir des Chartreux et de thermes antiques juste découverts en 2023. La halte du soir se fait au Clos des Capucins, ancienne abbaye du XVIIe (58 chambres modernes avec ascenseur à côté du Clos ancien).
Un passage par les gorges de la Balme
Le Canal de la Méline traverse la rue commerçante Charles Dullin. C’est notre issue pour retrouver le Rhône et la montée sur la Montagne de Chemillieu, les gorges de la Balme et l’ancien monastère fortifié (1149) de Pierre Chatel à Virignin, lieu de résidence des comtes de Savoie. La chartreuse forteresse surplombe le défilé du Rhône, devenue un haut lieu d’idéal chevaleresque et de spiritualité. Les moines prient Dieu et célèbrent tous les jours des messes pour son fondateur et ceux qui seraient chevaliers de son ordre du collier de l’Annonciade. Le Maréchal de Biron, au service du Roi Henri IV, s’empare de la place en 1600. La Révolution chasse les chartreux de leur place forte devenue dépôt provisoire des condamnés à la déportation. Le rattachement de la Savoie à la France en 1860 met fin à la présence de chevaliers en ce lieu. Édifice en perpétuelle restauration, rarement ouvert à la visite. Il fallait les trouver ces chemins dans la « pampa », où la ronce acérée accroche ses aiguillons aux peaux tendres des raiders (manchettes de rigueur) balafrés à la sortie de cette jungle, piste à peine visible que le GPS permet de suivre jusqu’à La Roche Percée de Corne-Bœuf à Colomieu, un étonnant tunnel naturel qu’il faut descendre. Réservé aux experts du pilotage pour le traverser sur sa monture ! Possible par temps sec ! Escale au lac de Virieu-Le Grand avant la cascade majestueuse de Claire Fontaine où coule l’Arène. Une rude montée avec en bord de route, la stèle au drapeau qui commémore les Résistants de l’Ain. Par temps clair apparaît le Mont blanc et les Alpes, au loin, un dernier coup d’œil aux grands lacs alpins. Les grumiers de sapins-épicéas sur nos pistes. Quand les scolytes ravagent la forêt, la coupe s’impose. Les marais de Vaux précèdent l’arrivée au Plateau d’Hauteville-Lompnes, au BOOST Center pour la nuit, un Centre européen de Stages et Séjours Sportifs (Hauteville 3S – 1986). Pour les professionnels ou amateurs sportifs en quête de performance, est-il dit. Roger Pingeon est né à Hauteville-Lompnes, il gagne le Tour de France en 1967. Viennent ici des sportifs émérites.
La pluie fait craindre le pire au petit matin
Le peloton démarre plus tôt, pierres et racines plus dangereuses mouillées. L’habitat, charme de la France rurale, se remarque. Chaque village du Pays Bugey abrite un four banal, un lavoir ou une fontaine, en pierres apparentes du pays. Souvent voûtés, les fours à pain sont recouverts de lauzes ou de tuiles écailles. Les fameux pignons à « redents », couverts de lauzes disposées en escaliers appelés mantelures (pignons à pas d’oiseaux), protègent les murs porteurs de la pluie, et servent à faciliter l’entretien du toit, à l’origine en chaume, coupe-feux entre les maisons et accès facile des pompiers. La maison bugiste est fermée par une grande porte en bois et sous le large auvent formé par l’avancée du toit, une plate-forme en bois soutenue par un pilier en pierre sert à entreposer le bois de chauffage. C’est le « dreffia », parfois fermé par des planches. Fermes jurassiennes de taille importante pour savoir abriter les troupeaux et le foin pendant la période hivernale. Furtivement, les collines des vignes du Bugey-Cerdon apparaissent sur les coteaux de l’Ain, qui produisent un rosé délicat, naturellement pétillant (cépages Poulsart & Gamay). Le profil est plutôt descendant pour rejoindre l’Ain, à Poncin, avant le relief de la Montagne Noire, dans le Revermont et son Col de La Pérouse (507 m). Au Mont July, observatoire de Ceyzériat-Ramasse (572 m), l’affaire se corse sur le GR du Tour de Revermont. Quand les chainons des Montagnes du Jura se succèdent, histoire de chatouiller les sommets culminants du secteur. Côte des Alagniers (chemin des Crêtes) (498 m), Col de France (370 m), sont parsemés de roches prééminentes à franchir à pied. La pluie sème ses gouttes éparses quand il s’agit de rejoindre Meillonnas, Treffort, jusqu’au Camping de La Grange du Pin (247 m). La boucle dans l’Ain s’achève quand l’ondée se précise. Pas de chute notoire sur 320 Km et le D+ de 7000 m, aucune casse de matériel, aucune crevaison à déplorer. Les pneus sont à gomme dure ! Le matériel solide dans ces dédales de pierres et de racines. Cinq jours trop vite passés, un patrimoine aperçu sans toujours s’en approcher…
Un départ au petit matin au doux gazouillis des oiseaux
L’envolée de chacun va se faire au doux gazouillis des oiseaux du camping qui s’égosillent autour des bungalows, heureux de leur sort car il ne pleut plus. A St Etienne du Bois, la fromagerie Perdrix vend les saveurs de l’Ain : le Comté (AOP), fromage de montagne à pâte pressée et cuite, lait de vache de race Montbéliarde ou Simmental de 7 fruitières, une meule c’est 500 litres de lait – 42 Kg la meule. Le Bresse bleu (créé en 1951 – AOP) est tout en douceur. La tomme du Jura, le Morbier, le Clon et le ramequin bugiste complètent le plateau savoureux. De quoi rapporter avec soi, un peu de l’Ain. Pour l’emblématique volaille aux pattes bleues (AOC depuis 1957), il faudra revenir, lors des fêtes glorieuses de Bresse, du bien et du bon vivre de la gastronomie française ! 67e édition le 16 décembre à Bourg-En-Bresse. Qu’on se le dise !!! A défaut d’avaler des kilomètres de chemins…
N’est-ce pas Jean Anthelme Brillat-Savarin (né à Belley), avocat gastronome, bec fin et « sa physiologie du goût » (1826) ? Premier théoricien du goût ! «Un dessert sans fromage est une belle à qui il manque un œil » ! L’Art de manger, flambeau du génie !
Manu et Manu, Guy et Jean-Michel le mécano répare-tout (moniteurs fédéraux) peuvent être fiers de leurs prestations, disponibles, dévoués et attentifs à la bonne marche du groupe et de la convivialité recherchée, couronnée de réussites et de raiders au long cours comblés dans leur plaisir du vélo. Michel Plas, initiateur des raids AURA, serait très fier d’eux pour la pérennité de son idée ! Servez-nous la suite !
2 commentaires
Bravo Gérard.
Aussi doué pour manier la plume que pour appuyer sur la pédale.
Très beau texte.
Tu nous fais revivre la belle semaine que nous avons passée ensemble.
Je suis vélosophe depuis la lecture du Manuel du véloceman d’Alfred Berruyer (1860), architecte grenoblois qui avait prédit un grand avenir au vélo.
Didier Tronchet a aussi utilisé le terme véloce dans son Petit traité de vélosophie, une BD éditée en 2020.
Alors dans l’Ain, nous « vélosophions » !