Un tour de France cyclo au plus près des côtes et des frontières
Récit de voyage par Joël Bordelais
Le 23 avril, 6 h du matin, je prends le départ de mon tour de France. Il pleut à verse. Une pluie intense jusqu’à 15 h. Puis enfin, en longeant la mer, un rayon de soleil. À 19 h, je monte ma tente à Coutainville. Le vent est fort, le bivouac un peu humide, mais déjà, l’aventure commence.
Le lendemain, réveil dans la brume. La Voie verte le long de la côte est splendide. Je m’installe au 150e kilomètre, dans une petite commune sympa, avec les coin-coin des canards et les encouragements des boulistes. Une nuit fraîche, mais l’accueil réchauffe.
À Port-en-Bessin, je fais ma pause déjeuner. Le vent est toujours là, de face, entêtant. Le soir, bivouac après Houlgate, puis bac sur la Seine le lendemain matin. Sur le parcours, des applaudissements, des cyclistes qui m’encouragent, ça donne du cœur à l’ouvrage.
Je retrouve Martine, mon épouse, pour un moment. On bivouaque ensemble à Sotteville-sur-Mer, puis je repars seul. C’est dimanche, il y a du monde à vélo, on discute, ça fait du bien. Le soir, au camping de Violaine, le maire m’accueille, on discute et il m’offre la nuitée.
Dans le Nord, les pavés me secouent sur cinq kilomètres. Première crevaison. Rien de grave. Je continue jusqu’à Sedan. Le long du canal, c’est beau. À Givaudeau, le camping est vraiment pensé pour les cyclos. Ça fait plaisir.
En Moselle, la Voie verte est massacrée par les engins agricoles. Avec les sacoches, c’est la galère. J’improvise un bivouac sur une aire de camping-car, bruyante jusqu’à 2 h du matin. Le lendemain, enfin une belle Voie verte, des pêcheurs, un peu de tranquillité jusqu’à Baccarat.
Puis viennent les Vosges : premier col à 900 m, suivi d’un second à 600 m. J’arrive à un camping complet. Heureusement, ils me trouvent une petite place. Je repars sous la pluie, vent violent, orages. La petite guitoune tient bon. J’avance, trempé, mais émerveillé.
À Loulans, le camping est fermé pour travaux. Les ouvriers me laissent planter la tente. Pas de douche, pas de sanitaires, mais un coin où dormir. Puis viennent les cols du sud, le barrage de Serre-Ponçon, les gorges du Verdon – splendides malgré la météo capricieuse.
À Saint-Maxime, je retrouve la Méditerranée. Les pistes cyclables sont devenues des autoroutes d’engins électriques. Je chute à cause d’une fillette mal guidée. Heureusement, plus de peur que de mal. Les sacoches ont protégé le vélo.
À Marseille, GPS en panne. J’improvise avec le téléphone. Orage à Saint-Martin-de-Grau. Le lendemain, crevaison, pneu arrière HS. Je le change au Grau-du-Roi, puis j’avance. La Camargue… quel souffle ! Les flamants, les taureaux, les chevaux blancs. Repos mérité au camping.
Les Pyrénées pointent. Je continue, col après col. À Mané, un camping parfait pour les cyclos, avec salle équipée et abri vélo. Le Pic du Midi, la neige en toile de fond, les villages basques… Et là, je retombe sur le chemin de Compostelle, que j’avais parcouru il y a quelques années. Émotion.
À Capbreton, une voiture me percute sur la piste. Chute violente, coudes et genoux abîmés. J’ai cru que c’était fini. Mais non. Je repars. Les Landes, c’est plat, reposant. Puis viennent les dunes du Pilat, Bordeaux, la Charente, les marais.
À Rochefort, je traverse la Charente par le transbordeur. À Royan, je retrouve Martine, un peu de confort, de ravitaillement. Je repars vers la Vendée, rallonge de 30 km à cause d’une déviation. Les Sables-d’Olonne, Saint-Gilles-Croix-de-Vie, bac de la Loire… et une après-midi pour bichonner le vélo.
La Bretagne approche. Mes épaules fatiguent. Vent de face constant, à maintenir le vélo en ligne. Mais les falaises, la côte sauvage… c’est tellement beau. Le ciel change toutes les 15 minutes, du soleil au brouillard complet.
À Erquy, difficile de trouver un camping qui accepte les tentes. Je continue jusqu’à Saint-Hilaire-du-Harcouët. Dernier montage de la guitoune.
À 20 km de la maison, deux cyclos du club, Éric et Francis, viennent à ma rencontre. Puis Serge et Patrick nous rejoignent. On finit ensemble. Quelle émotion !
Le mot de la fin
5 637 km, 50 477 m de dénivelé positif, 380 heures et 45 minutes de selle. Et surtout : des paysages plein les yeux, des rencontres inoubliables, des galères transformées en anecdotes.
Plein les cuisses mais plein les yeux de tout ce que j ai pu voir et apprécie, surtout un très grand merci à Martine, mon épouse qui m’a soutenue, même dans les moments les plus difficiles, accompagnée de son fils Ludo, de ma belle fille Cecilia et de deux de mes petites-filles, Anna et Maelys, qui ont su m’offrir un très joli trophée.
Le temps a souvent été contre moi, mais les souvenirs sont gravés. Dans les jambes. Dans le cœur.