À Vélo… Tout simplement – SOUDAN – EGYPTE : Khartoum – Louxor
Soixante septième épisode.*À suivre
Heureusement pour nous, au Soudan, le désert se traverse sur une belle route asphaltée. Nos seules virées dans le sable seront pour y poser notre tente, profiter de l’immensité de la terre et du ciel.
Vélos vs sèche cheveu.
Théoriquement il nous fallait 10 jours pour parcourir les 1000 kilomètres nous séparant de Wadi Halfa. Théoriquement. Terrain plat, peu de villes, aucune visite prévue. Facile, prévisible. Du tout cuit. Départ 8 heures, 2-3 heures d’arrêts, 6 heures de vélo. Parfait. Terrain plat pas un arbre, pas une dune. Rien. Absolument rien pour ralentir ou détourner Eole de sa trajectoire Nord Sud. L’inverse de la nôtre. Du coup, nous avons vite compris que notre théorie allait… s’envoler.
Pourtant, le vent nous connaissons. Ne sommes-nous pas nés dans la vallée du Rhône ? N’avons-nous pas affronté, il y a presque un an (déjà), le vent des terres australes d’Amérique du sud ? Pas comparable. Rien à voir avec celui affronté ailleurs, autrefois.
Son cousin de Patagonie est impétueux, capricieux. Ses rafales peuvent envoyer un cycliste dans le fossé de manière inattendue, ou même renverser un camion d’une seule bourrasque. Mais ce sont des rafales, des « coups de colère », qui savent s’arrêter de temps en temps.
Ici, ce n’est pas le cas. Puissant, régulier, sans à coup. Il fait partie de l’environnement. Nous arrivons même à l’oublier tellement sa force est tranquille. Il donne juste la sensation de rouler avec les freins bloqués.
Pour progresser, nous nous sommes levés tôt, nous sommes arrêtés à la nuit mais surtout nous nous sommes épuisés pour avaler 80 km par jour, le compteur bloqué à 9-10 km/h.
Peu après Dongola, la grosse ville du parcours, nous rencontrons Thomas. Notre premier cycliste depuis 4 mois. Parti du Caire il y a moins d’un mois, il a déjà parcouru plus de 2000 kilomètres, avalant entre 150 et 170 bornes par jour. Quand nous le croisons vers 13 heures il a déjà 110 kilomètres au compteur.
Le long de la mer rouge, j’avançais à 30 km/h, sans toucher aux pédales nous confie-t-il. Ici, c’est pareil. J’avance trop vite….
Ce vent a quand même un avantage. Il chasse les milliers de mouches qui peuplent le désert et qui viennent se régaler de notre sel dès que nous trouvons un abri.
Desséché sans avoir soif.
En plus de nous épuiser, ce vent de face nous a desséché.
J’avais lu, il y a quelques temps de cela, dans une revue de randonnée, Alpi rando si ma mémoire est bonne, qu’il fallait faire attention à la déshydratation. Le magazine précisait : « Un randonneur bien hydraté doit pouvoir uriner 5-6 fois par jour ».
Ces derniers jours, nous ne pissions qu’une fois par jour. Certaines fois, pas même une goutte en 24 heures.
Pourtant, nous n’avons jamais ressenti la sensation d’être assoiffé. Nous avons bu, vidant des litres et des litres d’eau par jour, car l’eau n’a pas été une denrée rare dans ce monde de sable.
Régulièrement, nous avons trouvé des points d’eau disposés au bord de la route. Un alignement de 4-5 jarres en terre cuite avec de l’eau dedans et un petit récipient, souvent une boite de conserve, servant de verre.
Même au milieu de nulle part, ces points d’eau étaient approvisionnés. L’eau provenant soit du Nil, soit pompée d’une nappe souterraine.
De couleur grisâtre et peu appétissante, nous avons commencé par la filtrer, mais rapidement, nous n’avons plus pris cette précaution, plongeant directement ce liquide salvateur et frais, c’est impressionnant comment ces jarres de terre cuite peuvent maintenir au frais, dans notre gosier. Nous n’avons eu aucun problème d’intestins.
Nous avons bu, mais étions déshydraté.
Luttant contre ce sèche cheveu naturel, nous avions la gorge, la bouche, les lèvres sèchent. Même la langue n’était plus humide. En fait, ce n’est que lors de nos arrêts que nous nous rendions compte de notre état « desséché ». Quand ouvrir la bouche devenait douloureux, qu’il était impossible de parler, que tout semblait « collé » en un seul bloc.
Avec la gourde nous nous injections une première dose de liquide. Aussitôt absorbée par les tissus. Cette eau ne connaitrait jamais notre estomac. La deuxième gorgée nous la conservions dans la bouche pour hydrater en douceur. Ensuite, nous buvions, buvions et buvions encore.
Pour éviter cette sensation de sécheresse buccale, nous aurions dû nous forcer à boire plus régulièrement, par petites gorgées. Le top aurait été un « Camelback » avec une pipette. Mais nous n’avons que des gourdes attachées au cadre. Pour boire il nous faut s’arrêter et enlever les élastiques qui maintiennent les contenants.
Vêtements de carton.
A force de pédaler, de transpirer sans nous en rendre compte, les mailles de nos habits étaient remplies de sel et de sable, ce qui devait attirer les mouches. Le soir quand nous les quittions, ils tenaient tout seuls…
Il y a de l’eau dans le désert, mais nous ne voulions pas la gaspiller pour laver nos fringues. Les points d’approvisionnement ne sont pas faits pour cela. Car ces jarres servent à tous, cyclistes (peu nombreux), routiers, mais surtout pour les chercheurs d’or. Nombreux dans la région, ils ratissent le désert avec leurs détecteurs de métaux.
Nous les croisions régulièrement aux points d’eau, venant remplir leurs jerricans avant de s’en retourner à leurs travaux de forçats.
Tous rêvent de trouver le filon ou la pépite qui leur permettra de s’envoler vers des ailleurs plus facile. A chaque fois ils étaient fiers de nous exhiber leurs trouvailles qui se résumaient, le plus souvent, à quelques paillettes.
Avec nos vêtements de carton aux couleurs fanées par le soleil, ils devaient nous prendre un peu pour l’un des leurs. Ce que nous sommes surement. Des vagabonds du bonheur trouvé ou à trouver.
Haute tension.
Que la vie en couple est facile quand on est sédentaire… Des horaires différents, des cercles d’amis pas toujours communs. En fait, quelques heures quotidiennes à vivre ensemble.
Sur un voyage au long cours, c’est complètement différent. C’est du 24/24. Royal quand tout va bien, mais beaucoup plus difficile quand les éléments s’en mêlent.
Sur cette partie, le soir nous étions épuisés par cette lutte incessante contre notre ennemi invisible. Pourtant, il fallait encore monter la tente, ne pas la voir s’envoler, la maintenir au sol, préparer le repas en protégeant le réchaud, tenter de se dépoussiérer au mieux avant de s’effondrer dans notre abri de nylon.
Mais cet épuisement quotidien nous a attaqué de l’intérieur, aiguisant les susceptibilités, titillant les nerfs. Pour un rien nous nous somme engueulés comme des chiffonniers, reportant sur l’autre tous nos malheurs, notre faiblesse, notre fatigue.
Un pneu à plat. – Tu ne peux pas faire attention, va falloir regonfler, réparer. Y en a marre p….
Le gaz qui s’éteint. – Tu ne vois pas qu’y a du vent, tu pouvais pas mieux le protéger Fais ch….
Et ainsi de suite…
Bien reposé à présent, nous en rions…. Jusqu’à la prochaine galère.
Et ainsi de suite…
La chasse au trésor
Vous vous souvenez de cette émission (que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître), avec Philippe de Dieuleveult ?
Les concurrents devaient trouver un trésor en interrogeant les locaux, en les priant de les aider, de les convoyer… le tout avec un temps limité.
A Wadi Halfa, nous avons ressuscité cette émission pilote des années 80.
Nous savions que de Wadi Halfa, au nord du Soudan, partait un ferry pour Assouan en Egypte. Notre guide PDF sur le Soudan, datant de 2007, soit une éternité pour ce pays qui entre temps c’est scindé en 2, a changé de monnaie, d’heure…, indiquait un départ de la petite ville le mercredi.
Nous étions mardi, nous avions donc le temps. Arrivés pour la pause déjeuner, nous avons pris notre temps, savourant un repas, qui pour une fois n’était pas à base de haricots rouge, l’agrémentant même d’un kilo de yaourt frais, acheté à l’épicerie dans face, et finissant par quelques dattes.
Puis, par mesure de sécurité, comme nous sommes des cyclistes prévoyants, nous nous sommes inquiétés du départ du ferry. Horaires, lieu…
Malgré le fait que la ville ne vive que grâce à son port, personne ne semblait comprendre de quoi nous parlions. Nous avons donc décidé de filer à l’embarcadère pour prendre les renseignements. 5 km, vent dans le dos.
Une fois arrivé, nous avons trouvé les renseignements, mais ils ne correspondaient pas à ceux que nous attendions.
Oui, il y avait toujours un ferry pour Assouan. Non il ne partait pas le mercredi, mais aujourd’hui dans 2 heures…. L’activité et le nombre de personnes en témoignait.
Oui les billets s’achetaient en ville. Oui il fallait passer à l’immigration avant. Non, aucun problème pour les vélos. Oui il fallait se dépêcher….
La chasse au ticket pouvait commencer.
Pour être dans les temps, nous nous sommes accrochés à un antique Land Rover, avons sautés sur une carriole tirée par un âne. Grâce à l’adresse du bureau de la compagnie maritime, que nous avions eus la bonne idée de faire traduire en arabe, nous avons imploré à des gens de nous guider, de nous y conduire.
Au poste de Police, nous avons joué des coudes pour passer devant tout le monde, puis nous avons de nouveau couru pour récupérer un papier manquant…
Pendant ce temps, une autre personne essayait de nous retrouver pour nous restituteur la casquette « bomberos volontarios Campo Grande » que dans la précipitation nous avions perdue je ne sais où…
Finalement, dans les délais nous avons récupéré la casquette, acheté 4 tickets de bateau (2 pour nous + 2 pour les vélos, le tout pour la somme de 700 SDG), payé une taxe portuaire au bureau de Police « juste derrière » et rencontré des gens soucieux de nous aider.
Nous pouvions regagner l’embarcadère rapidement, mais l’esprit tranquille.
A la grille du port, le gardien qui nous avait permis de rentrer la première fois, nous réclama une taxe d’entrée, différente de la taxe portuaire. Cette dernière nous paraissant un peu louche, nous filâmes dès qu’il eut le dos tourné.
Avec tout ça, nous sommes quand même arrivés avant l’ouverture des portes d’accès au ferry.
Lutte sans merci
Sur le quai, s’entasse des milliers de cartons, de colis, de valises. A croire que chaque passager déménage complètement. Part en exil.
Puis les portes s’ouvrent. Le délire avec… Les douaniers, de l’autre côté des grilles, contrôlent absolument tous les bagages dans une inorganisation assez incroyable. Le but du jeu étant d’obtenir la petite étiquette bleue prouvant que le bagage est passé dans leurs mains.
C’est la foire d’empoigne. Les colis s’entassent anarchiquement devant les douaniers, tombent, s’éventrent. Une fois de plus, ça se bouscule, se passe devant, se pousse les colis pour mettre le sien en premier…
Nous n’échappons pas au bordel. Nous disposons tant bien que mal nos sacoches sur le comptoir. Ma machette semble poser un problème, mais elle est vite aspirée par le flot de bagages qui arrive et le douanier débordé n’y prête plus attention. Je la glisse de nouveau dans mon sac. Ni vu ni connu. Au moment de passer le dernier contrôle, celui des étiquettes bleues, le contrôleur tique… Pas d’étiquettes sur les vélos… Mais un rapide échange avec le douanier lui confirme que tout est ok. Nous pouvons pousser les vélos jusqu’au ferry. A partir de là, tous se passe comme sur des roulettes. Les vélos sont chargés avec les sacoches et placés en sécurité à la proue du bateau. Nous pouvons gagner notre banquette coté femmes, couples et enfants. Les hommes seuls n’y sont pas autorisés, ce qui nous laisse beaucoup de place et nous permet de nous allonger pour passer une nuit bien confortable.
Dans le prix du billet est compris un repas. Notre dernier foul Soudanais.
Le bateau partira à la nuit, avec plus de 4 heures de retard…
Sur le pont, les tapis sont installés pour la prière et le muezzin lance l’appel qui résonne dans les hauts parleurs du bateau…
Nous passerons devant les temples de Abu Simbel de nuit sans pouvoir les admirer.
Le lendemain dans l’après-midi nous arrivons à Assouan. Les drapeaux Soudanais et Egyptien sont hissés, nous pouvons accoster. En tant qu’étrangers ayant besoin d’un visa, nous avons droit à un régime spécial. Le commandant du bateau ayant gardé nos passeports pour les remettre directement aux autorités Egyptienne, nous n’aurons pas à faire la queue, sous un soleil de plomb pour passer les contrôles. Nous allons directement dans un bureau de l’immigration ou nos passeports nous attendent avec le tampon d’entrée. Nous n’avons pas payé le visa. Quand nous nous en étonnons, l’officier nous explique que le visa doit se prendre en ville dans n’importe quelle banque, quand nous voulons. La durée possible de notre séjour est de 4 semaines, plus 2 semaines « bonus » ( ?)… Welcome to Egypt.
Evidement quand nous nous rendons dans une banque pour acheter notre visa, personne ne sait de quoi nous parlons… Après 3 banques, nous abandonnons. Nous sommes en règle, nous avons le tampon d’entrée. Pour le reste, nous verrons bien.
J’irais dormir chez vous.
A Assouan, nous prenons un peu de repos. Nous sommes impressionnés par l’abondance de nourriture, de fruits, de magasins bien achalandés.
Le premier soir, nous nous précipitons chez Mac Donald… En France nous fréquentons peu les fast food, mais ici, nous en rêvions…
Nous nous délectons de chaque bouchée du burger… et du sundae au caramel…
Du monde, du bruit, des lumières. Nous sommes sortis du désert.
Deux jours à Assouan avant de reprendre la route en suivant le Nil.
Plus de circulation, plus de bruit. Les Egyptiens conduisent au klaxonne. Plus de monde aussi. Impossible de planter la tente. Les bords du Nil sont habités et les villages qui se suivent n’ont pas d’infrastructure hôtelière.
Il nous reste donc la solution d’aller frapper à une porte pour demander l’hospitalité. C’est ainsi que nous arrivons chez Adil. Tout de suite nous sommes les bienvenus et nous retrouvons avec du thé dans les mains, un grand plateau de fruits, de pain de « vache qui rit ». Adil est fermier et instituteur.
Après nous avoir indiqué l’endroit où nous pourrons passer la nuit, nous faisons connaissance de sa famille. Les 2 garçons et les 2 filles. Zakaria, l’ainé des garçons apprend le Français à son école et son livre d’exercices nous prouve que c’est un bon élève.
Merci à cette famille de nous avoir si gentiment accueillis.
L’Egypte sous haute surveillance.
Alors que nous étions à Assouan, l’Egypte à vécue, dans le nord Sinaï, un des attentats les plus meurtriers de son histoire. Le président Sissi a promis de venger les victimes et de maintenir le pays en sécurité.De fait (?), tout au long de la route, nous rencontrons des checkpoints policiers que nous passons sans montrer « patte blanche ». Jusqu’à celui de Esna.
Ici nous sommes invités à nous arrêter. Un policier nous prend nos passeports et nous explique que nous devons rejoindre Louxor pour y passer la nuit. Il est 16 heures le soleil a commencé son déclin. Nous sommes à 😯 kilomètres de la ville. Il est impossible, à vélo, de rejoindre Louxor de jour. Mais les consignes sont les consignes. Nous ne pouvons pas dormir dehors, ni même au poste de police.
– Une escorte va vous emmener au poste de contrôle suivant ou vous pourrez passer la nuit.
Chargement des vélos dans le pick up et en route.
Au poste de contrôle suivant, même problématique. Nous ne pouvons pas continuer, mais nous ne pouvons pas, non plus, dormir ici.
– Une escorte va vous emmener au poste de contrôle suivant ou vous pourrez passer la nuit.
Chargement des vélos dans le pick up et en route.
Au poste de contrôle suivant, même problématique. Nous ne pouvons pas continuer, mais nous ne pouvons pas, non plus, dormir ici.
– Une escorte va vous emmener au poste de contrôle suivant ou vous pourrez passer la nuit.
Il fait maintenant nuit noire. Nous avons pris 3 pick-up. Nous assurant, à chaque fois, qu’au poste de contrôle suivant nous pourrions passer la nuit. En fait ils se débarrassaient de nous en nous refilant au suivant… Pratique, mais pas très éthique.
Au dernier barrage, les policiers nous libèrent. Plus de problème, nous pouvons continuer….
Il fait nuit noire, nous sommes à plus de 10 kilomètres de Louxor… Hors de question d’enfourcher les vélos et de continuer. Nous allons dormir au poste, comme annoncé depuis le début de cette bouffonnerie. Point barre.
– Vous êtes là pour notre sécurité, vous allez l’assurer et ne pas nous abandonner en banlieue de Louxor en pleine nuit.
Problème. Personne ne peut, ne veut prendre la décision, la responsabilité de nous garder. Les téléphones sont décrochés, les chefs sont appelés. On nous apporte du thé, des chaises. On nous dit d’attendre… Personne n’a de réponse, les pontes sont déjà couchés ou ne savent pas non plus…
Nous sentons que nous allons passer la nuit comme ça, assis sur des chaises à boire du thé. Il est temps de nous imposer.
Ce que nous faisons en poussant les vélos derrière le bâtiment et en déballant nos affaires sur une dalle de béton. Nous sommes bien cachés, personne ne peut nous voir de la route. Du coup, cela semble convenir à tout le monde. Les mines embêtées laissent à nouveau place à la bonne humeur. Chacun assiste au spectacle du montage de la tente. Les smartphones nous éclairent comme en plein jour. On nous apporte à nouveau du thé. Fin de la journée. Nous pouvons nous glisser sous notre tente. Nous avons parcouru 150 km, dont 70 en pick up. Dehors, les AK-47 et les policiers protègent nos vélos. Nous pouvons dormir tranquille.
Le lendemain la nouvelle équipe est contente de nous voir partir.
Nous rejoignons Louxor tranquillement où nous trouvons un hôtel.
Nous nous accordons un petit stop de quelques jours, pour visiter la ville qui regorge de vestiges pharaoniques, ainsi que pour étudier les trois itinéraires qui s’offrent à nous.