À vélo tout simplement, clap de fin !
Pouvez-vous chacun vous présenter en quelques mots ?
Notre ami Denis, alias « l’aigle de Valcavera, émérite figure des CT Valentinois, nous décrivais comme suit en 2001 : Christian et Patricia. Il est impossible de les dissocier au générique. Roméo et Juliette du cyclotourisme, Paul et Virginie du 26 pouce. Ils ont une solide expérience du voyage à bicyclette, puisqu’ils ont traîné leurs roues des cols tibétains aux rizières du Tonkin en passant par les déserts mexicains.
Depuis combien de temps faites-vous du vélo ?
Christian : Je pourrais dire depuis toujours. Mais réellement depuis mon adolescence ou en 1981 je prenais ma première licence auprès des Cyclo Touristes Valentinois, Vieux club de la Fédération française de cyclotourisme ayant organisé la Semaine fédérale en 1976. Avec eux j’ai découvert toutes les pratiques de la bicyclette. Sorties routes à la journée, grands brevets, muletiers, voyages…
Patricia : J’ai découvert le vélo dans sa globalité lors de ma rencontre avec Christian. Certains emmène leur amoureuse au cinéma, leur offre une bague… Lui m’a offert un vélo et nous sommes allés découvrir la Tunisie en cyclo-camping. C’était en 1990. En 1993 nous nous sommes installés dans la capitale des Alpes et avons rejoint le club des CT Grenoblois connu et reconnu pour l’organisation du célèbre BRA (Brevet Randonneur des Alpes) qui fêtera sa 50e édition en 2019.
Comment vous est venue l’idée de ce voyage à vélo autour du monde ?
L’idée d’un voyage autour du monde n’est pas venue, elle était ancrée en nous. C’était notre destin. Nous devions le réaliser. Plus sérieusement, nous avions lu des récits de voyageurs comme Alain Guigny, Bernard Magnouloux ou Franco Nicoterra avec qui nous avons beaucoup sympathisé. Tous ces pionniers du voyage à vélo avaient semés en nous une petite graine qui a fini par éclore.
Pouvez-vous nous rappeler combien de temps a duré votre périple ?
4 ans, 1 mois et 23 jours soit du 5 avril 2014 au 27 mai 2018.
Tout était planifié ou avez-vous laissé une part de hasard ?
Mis à part le coté administratif. (démission, changement d’adresse, impôts…..) Absolument rien n’était planifié. Nous avions en tête quelques lieux qui nous faisaient rêver et où nous voulions passer, c’est tout. Nous avons arrêté le travail 15 jours avant de partir, histoire de faire les derniers achats et de dire au revoir à l’entourage. En montant sur les vélos le jour J, si le vent avait soufflé du Nord, nous serions partis plein Sud. Le vent du midi soufflait ce matin-là. Nous sommes montés au Cap Nord. C’était une volonté de ne pas préparer le voyage, pour ne pas être déçus et pour avoir le plaisir complet de la découverte. En route, nous avons fait confiance aux personnes rencontrées qui nous conseillaient des itinéraires. Notre trajet était improvisé tous les jours.
Combien de kilomètres parcouriez-vous par jour en moyenne ?
J’adore tenir des tableaux… Donc j’ai tenu une moyenne de nos kilomètres. Lorsque nous montions sur le vélo, c’est-à-dire hors jours de « repos », nous parcourions en moyenne 74 km. Plus courte distance : 20 km en 8 heures. Plus longue : 160 km. Si nous lissons les kilomètres parcourus sur la durée totale du voyage nous avons parcourus 50 km par jour.
Quelle fut votre pays préféré lors de cette aventure ?
Très difficile de répondre à cette question. Il n’y a pas un pays en particulier, mais une multitude. La Norvège, L’Alaska, Le Canada pour les espaces vierges, la Cordillère des Andes et le Pérou en particulier pour les magnifiques pistes d’altitude.
Nous aimons les grands espaces et les routes/pistes de montagne, mais décernons une mention particulière pour un pays qui n’a ni l’un ni l’autre. Le Zimbabwe pour la gentillesse de ses habitants et leur joie de vivre.
Racontez-nous votre souvenir le plus marquant ?
Le sauvetage, d’un oryx en Namibie. Apeuré par notre passage, l’animal sauvage s’est enfui et n’a pas réussi à sauter une clôture. Il s’est retrouvé coincé dans des barbelés, ou une mort certaine l’attendait. Sous l’effet de culpabilité et l’insistance de Patricia, nous sommes allés à son secours. Après 20 minutes d’efforts et au risque de se prendre des coups de cornes et de sabots, nous avons fini par libéré l’animal.
Durant un moment d’éternité, (quelques secondes), nous nous sommes retrouvés face à face, à quelques centimètres. Un seul coup de tête du gemsbok aurait suffi à nous embrocher. Mais l’animal a fait demi-tour et à rejoint ses congénères. Nous l’avons regardé partir, d’abord en boitant, puis en courant de nouveau.
Les gens étaient-ils accueillant en vous voyant arriver à vélo ?
Nous avons les sacoches pleines d’histoire de générosité, de partage. Un café, un thé offert, un appartement mis à disposition sans jamais avoir rencontré les propriétaires. Des invitations spontanées pour nous offrir un toit, de la nourriture, de l’aide. Ou simplement des rencontres pour échanger quelques mots, quelques instants, quelques conseils.
Le vélo est un moyen de communication qui aide fortement à rencontrer les gens. Le coté sportif et le coté sympa.
Racontez-nous le meilleur moment de votre périple ?
Tous les jours, à de très rares exceptions, étaient les meilleurs moments. Le seul fait de se lever le matin et de ne pas savoir ce que sera la journée, nous comblait de bonheur. Quand les seules questions sont Quelle route allons nous suivre ? Qu’allons-nous découvrir ? Où allons-nous planter la tente ? C’est la vie facile, le bonheur au bout du guidon. Un des très bon moment du périple a été de manger une immense pizza à San Pedro d’Atacama après avoir un peu souffert dans la traversée du Sud Lipez.
Les principales difficultés lors de votre voyage ?
La météo et la pluie en particulier sont les principales, et réelles, difficultés du cyclo-voyageur. La difficulté de communication, pour des raisons de langues, est une vraie frustration. Plus qu’une difficulté, un vrai supplice. Quand il fallait faire des choix en deux itinéraires incroyables…. La difficulté du parcours, ne rentre pas en compte, car émanant d’un choix d’itinéraire…
Pour assurer autant de kilomètres, il faut sûrement un matériel spécifique. Pouvez-vous nous le décrire ?
Un bon vélo. Nos fidèles montures ont étés fabriquées par Cattin en 1998. Elles ont fêtés leur 20 ans avec plus de 130 000 km au compteur. L’alimentation et la récupération sont les deux ingrédients pour avancer et durer. Une tente, des matelas qui isolent du sol et des sacs de couchages adaptés permettent de passer de bonnes nuits. Le réchaud multifuel nous a permis de manger chaud partout. Tout comme les sodas, l’essence se trouve partout.
Le reste ne pourrait être que superflu, mais le superflu prend toute sa valeur dans les mauvaises conditions. Parmi les non indispensables, nous avions des sièges, des ustensiles de cuisine permettant de vraiment cuisiner, des livres, de la musique, des bâches, des vêtements du soir, de visite…. Dans les vraiment pas indispensable, nous avions pendant 1an et demi, une deuxième tente, un grille-pain, une machine à pop-corn, un équipement de snorkling….
Le poids n’est pas notre ennemi, même si nous nous maudissions parfois d’être trop chargés, nous nous félicitions souvent d’avoir ce petit plus. Nous avons croisé trop de voyageurs abandonnant par manque de « confort ». Coté orientation, nous avons voyagé sans GPS ni téléphone portable.
Si c’était à refaire, que changeriez-vous ?
Peut-être prendrions nous plus le temps de nous « poser » dans certains endroits.
Quel conseil donneriez-vous aux personnes qui souhaitent réaliser la même expérience ?
Si vous êtes prêts à faire quelques sacrifices, abandonner votre confort, votre sécurité… Alors foncez. On ne vit qu’une fois et vivre son rêve n’a pas de prix. Ne préparez pas trop votre voyage. Laissez-vous guider au fil des jours.
Quelle destination et quelle durée/distance conseilleriez-vous pour un premier voyage à vélo ?
Sans hésiter. Notre beau pays. C’est le paradis du cyclo campeur et du cyclotouriste en général. Des distances raisonnables entre les points de ravitaillement, ce qui permet de moduler à loisir les kilomètres à parcourir. Nous avons beaucoup de voies vertes ou petites routes sans grande circulation, des plaines, des forêts, des montagnes… Il y en a pour tous les goûts. Quant à la durée : trois semaines minimum pour se mettre dans l’ambiance du voyage à vélo. La distance n’a pas beaucoup d’importance.
Une autre anecdote particulière ou un commentaire ?
Une anecdote : une famille d’éléphants qui s’invite au campement en pleine nuit…. Montée d’adrénaline garantie. Un commentaire : Pas besoin d’être un personnage de Marvel pour réaliser un voyage à vélo. La forme vient au fil des kilomètres et le reste s’apprend sur le tas…. (langues, mécanique,….)