La Retirada – Routes de mémoire en Tarn-et-Garonne

En février 1939, il y a 85 ans, 500 000 Républicains espagnols fuient l’offensive franquiste et franchissent les cols des Pyrénées. C’est l’exil, la Retirada. Arrêtés à la frontière, ils furent placés dans des camps cernés de barbelés. Faute de place dans les camps proches de la frontière, il fallut « loger » ailleurs ces milliers de réfugiés… plus de 16 000 se sont retrouvés en Tarn-et-Garonne.

Parmi ces « ailleurs », le camp de Judes, près de Septfonds, en Tarn-et-Garonne. Parmi les exilés, Manuel Azaña, écrivain, journaliste et président de la IIe République qui mourut d’épuisement et de maladie, le 3 novembre 1940 à Montauban (Tarn-et-Garonne) où il est enterré.

 

Deux de nos collaborateurs tarn-et-garonnais ont, chacun pour des raisons différentes, été sensibilisés à cet épisode douloureux et mal connu.

Carmen raconte : « En Espagne, ma famille a été touchée de plein fouet par la guerre. Plusieurs années plus tard nous sommes venus nous installer à Caussade, un village où avaient débarqué des milliers de réfugiés qui arrivaient en train du camp d’Argelès. Ils étaient conduits à pied jusqu’au camp de Septfonds, distant d’une dizaine de kilomètres. Puis la petite gare de Borredon fut choisie.»  

Montalbanais de naissance, Georges se souvient : « Sur les bancs de l’école j’ai côtoyé, des enfants de Républicains espagnols. Les mamans vêtues de noir, parlaient très fort une langue que je ne comprenais pas. J’ignorais tout de leur histoire et ce n’est que longtemps après que j’appris l’existence du camp, à 30 km de Montauban, et que le dernier président de la République espagnole, était mort et enterré dans ma ville natale.

Chaque année, au mois de mars, une marche reprend le chemin que parcoururent les exilés depuis Borredon jusqu’à Septfonds. Entre chants et pique-nique partagés, c’est une journée festive à laquelle participent des Espagnols qui par fidélité à la mémoire de leurs parents et grands-parents font le déplacement depuis chez eux.

Un parcours « mémoriel » à vélo


En mars 2023, Carmen qui avait été invitée à les accompagner, eut l’idée de faire cette même route à vélo et de tracer un circuit « mémoriel » partant de Montauban et faisant une boucle par Caussade et Septfonds.
 
Un parcours mémoriel mais aussi un joli circuit  à travers le Bas-Quercy, dans des paysages variés et faiblement vallonnés. L’habitat rural varie tout au long du parcours. Si, au départ, la brique crue côtoie la brique cuite, plus loin, passé Caussade, apparaît la pierre qui renforce les soubassements des fermes isolées qui possèdent souvent un pigeonnier aux architectures diverses…
 

Notre parcours mémoriel

Nous nous retrouvons devant l’Hôtel du Midi (anciennement) où Manuel Azaña vécut entre le mois de septembre et le 3 novembre 1940, date de sa mort. Il avait fui l’Espagne par le col de Lli, le 5 février 1939. L’itinéraire que nous empruntons pour nous rendre sur sa tombe au cimetière urbain, passe naturellement par les sites emblématiques de la ville, tous de briques roses.

 
La place nationale, une remarquable place à couverts, l’église Saint-Jacques qui porte les traces des boulets tirés par les troupes de Louis XIII lors du siège de la ville (sans succès !), le Pont Vieux (XIVe siècle) et le musée Ingres Bourdelle (XVIIe siècle) qui conserve, entre autres, des faïences d’Ardus et des mosaïques de la villa gallo-romaine de Cos, notre prochaine destination.
 
Au cimetière, « La déchirure », une stèle-mémorial de pierre et de verre, œuvre du sculpteur Christian André-Acquier, s’élève à l’arrière de la tombe où Manuel Azaña fut enterré sous le drapeau mexicain, car les autorités françaises n’autorisaient pas le drapeau républicain espagnol.

 Trace GPX du parcours à télécharger gratuitement

Les gares de Caussade et Borredon

Le 29 janvier 1939, la gare de la petite bourgade paisible de six mille âmes, vit arriver le premier convoi de Républicains espagnols. Ils étaient conduits à pied jusqu’au camp de Judes près de Septfonds en empruntant la route nationale. Une stèle élevée devant la gare honore leur mémoire. Puis, dans la semaine du 5 au 12 mars, à raison de deux trains par jour, 16 000 Républicains débarquèrent dans la plus discrète petite gare de Borredon, en rase campagne et conduits à pied jusqu’au camp distant d’une dizaine de kilomètres. Les premiers convois débarquèrent avant même que les baraques indispensables puissent les abriter. Au moins 81 d’entre eux sont décédés dans les premiers temps, conduisant à la création d’un cimetière.

Eux, prisonniers ; nous, libres


Depuis la gare de Borredon, nous avons suivi l’itinéraire que les prisonniers parcouraient. Au lieu-dit « Lalande », en lisière de ce qui fut le camp,  se trouve un lieu de mémoire clos symboliquement de barbelés, sur trois côtés. Une baraque abrite des panneaux informatifs. Parmi ceux-ci, notre attention est captée par une bande-dessinée produite par un prisonnier artiste qui décrit avec humour le quotidien dans le camp.
 
Une façon de s’évader mentalement. Quelques légendes qui accompagnent les vignettes : « Sage comme un ange, il jeûne comme un saint » ; « Sans épouse ni belle-sœur, il doit faire sa lessive »… D’autres prisonniers artistes peindront le chemin de croix de l’église du village et légueront un tableau exposé dans la salle des mariages de la mairie.

Commence alors notre retour après une visite au cimetière espagnol implanté à l’opposé du village, loin du camp et des maisons. Une colonne porte ces mots extraits d’un poème de Rafaël Alberti : « Vous n’êtes pas la mort, vous êtes la jeunesse nouvelle. ». Par Bioule et Négrepelisse, en empruntant la véloroute de la « Vallée et gorges de l’Aveyron à vélo », nous bouclons le parcours.

 
Texte et photos : Georges Golse avec la collaboration de Carmen Burgos

 

Notre revue Cyclotourisme du mois de mai prochain présentera un dossier sur un parcours mémoriel sur les routes des Pyrénées-Orientales.

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2 commentaires

  • DUMAS Simone says:

    Très bel article, très émouvant . Bravo aux rédacteurs !

  • Merci pour ce bel article. Si vous le souhaitez je suis à votre disposition pour plus d’infos sur cette guerre ou même une petite conférence pour votre revue…
    Le savez-vous : Une porcherie industrielle de 6500 porcs s’est établie sur le terrain du camp où elle déverse ses tonnes de lisiers. La Marche de la Dignité aura lieu le samedi 9 mars prochain…
    Joseph Gonzalez Ocaña, président de MER82 (Mémoire de l’Espagne Républicaine
    06 33 10 44 89

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