200 nanas sur 200 bornes, un projet militant !
« Où sont les femmes » se demandait Patrick Juvet dans les années 70. Elles sont désormais présentes et bien motivées pour exprimer leurs passions pour le cyclisme.
Créer un projet 100 % féminin, c’est le pari utopique lancé par Elisabeth Lavaill pour rassembler toutes les rouleuses, qu’elles soient en club, à la Fédération française de cyclotourisme, ou qu’elles roulent pour elles, hors de tout cadre associatif. Le but, mettre en avant celles qui roulent beaucoup et que l’on ignore trop souvent.
Rencontre avec Elisabeth Lavaill
Quel est votre rapport au vélo ?
Comment avez-vous débuté ? Et depuis combien de temps dans un club ?
J’ai commencé par la randonnée à vélo en France pendant les vacances, il y a près de vingt ans.
Je n’ai rallié un club qu’il y a quatre ans, une première année au CSP et depuis trois ans à l’ACP.
Pourquoi cette attirance pour la longue distance ?
Je me suis lancée l’idée de PBP sur un coup de tête en 2013, puis j’ai découvert un goût et des facilités pour les longues distances grâce aux BRM. PBP 2015 a eu des conditions climatiques très agréables, cette première expérience a donc été très positive et m’a poussée à persévérer dans cette voie, et j’ai enchaîné ensuite les BTR, Flèches Vélocio et autres Diagonales !
Le vélo semble être pour vous, bien plus qu’un moyen de locomotion. Un acte militant ?
Non, le vélo n’est pas un acte militant, mais ça me paraît être un moyen de locomotion et un loisir convaincant à tous égards. C’est bon pour la santé, ce n’est pas trop cher, ça fait découvrir du pays d’une façon ni trop rapide ni trop lente, et cela a un impact écologique moindre, tout en procurant un formidable sentiment de liberté. De toute façon, en vraie Parisienne, je n’ai ni voiture, ni permis de conduire : le vélo associé au train est pour moi le moyen de transport le plus simple.
Le projet 200 nanas sur 200 bornes
Comment est né cette idée ?
Cette idée est née d’un coup de tête, d’une « vision » : j’ai imaginé un énorme peloton de femmes cyclistes s’élançant pour avaler 200 km en une étape, et… cette image m’a plu ! Il ne restait plus qu’à le réaliser. En 24 h, j’ai fixé les modalités du projet et trouvé des amies et amis pour le soutenir.
Pensez-vous que les femmes cyclistes ont besoin de reconnaissance dans le peloton ?
Oui, les femmes cyclistes ne se sentent pas vraiment reconnues dans le peloton, où elles sont trop souvent considérées comme de petites choses fragiles qu’il faut ménager, attendre, encadrer. Je connais beaucoup de grosses rouleuses, qui ne roulent pas en peloton, justement, et qui n’ont rien de petites choses fragiles !
J’ai voulu donner une visibilité à toutes ces femmes qui roulent, bien souvent hors de clubs, qui roulent, bien, longtemps, loin ! Une écrasante majorité des inscrites a exprimé son adhésion au principe d’une randonnée féminine, organisée par une femme, pour rendre les rouleuses visibles – et s’inscrire en faux par rapport à la condescendance d’un discours paternaliste de la part tant des institutions fédérales que de la presse. Et je ne parle évidemment que de la pratique en amateur…
En revanche, je crois aussi, et même surtout, que c’est le peloton qui a besoin d’ouvrir les yeux sur l’existence de la pratique féminine de la longue distance. La moyenne d’âge des 200 et quelques inscrites tourne autour de 30 ans…
Les pelotons de papis où les quinquas font figures de jeunots sur des sorties club de 80 km n’ont aucune idée de ces jeunes femmes enthousiastes, passionnées et qui roulent fort ! Pour bien promouvoir le cyclisme féminin, il faut avoir une idée juste de la réalité du terrain. La réalité du terrain, c’est plus de 200 inscrites en moins d’une semaine, majoritairement très jeunes et non licenciées.
Enfin, pour en finir avec cette notion de visibilité, je crois aussi que la plupart de ces jeunes femmes ne connaissent pas bien non plus le milieu associatif des clubs, et je trouve plaisant de les faire rouler dans une organisation club, avec des bénévoles, pour une somme très modique. Bref, j’ai envie d’organiser une rencontre, je me vois un peu comme une entremetteuse !
Côté organisation, comment va se dérouler cette randonnée militante ?
Il s’agit d’un BRM, qui propose donc un parcours de 200 km au départ et à l’arrivée de la Cité Fertile à Pantin, concomitamment à un petit festival organisé par la Recyclerie : le Recyclotour. Le parcours explore essentiellement l’Oise et le Vexin, avec environ 1 500 m de dénivelé positif : il n’est ni trop exigeant (pour ne pas décourager celles qui se lancent sur cette distance pour la première fois), ni trop facile (pas de condescendance !). Il emprunte de grands axes à la sortie matinale de Paris puis de petites routes de campagne assez bucolique.
Il y a trois petits ravitos : au départ, au km 125, et à l’arrivée ; néanmoins, ces ravitos ont surtout pour but de créer de la convivialité et seront délibérément insuffisants pour nourrir les participantes sur 200 km, afin de respecter l’esprit des Brevets de Randonneurs Mondiaux, qui valorisent l’autonomie. Le ravito intermédiaire sera complété par un stand mécanique tenu par les amis d’Atelier Pariah (Nevers).
Je souhaitais également que les participantes reçoivent de petits souvenirs de cette journée, et j’ai prévu des « goodies » : sticker de cadre, bidon, bière bouteille artisanale… avec le soutien de copains : Jeanne Lepoix a dessiné le logo gratuitement, les cycles Victor offrent un bidon, et surtout Romuald et Céline de la marque Ravito offrent une bière artisanale en bouteille « blonde rebelle » (!) et la fabrication des stickers.
La Fédération française de cyclotourisme s’est également proposée pour fournir un porte-clé décapsuleur et pour donner un coup de pouce en termes de communication.
Vous avez le soutien de votre club l’Audax Club Parisien, quelle est son implication ?
L’organisation de ce brevet se fait sous l’égide de l’Audax Club Parisien, le club historique de la longue distance, qui organise notamment Paris-Brest-Paris Randonneur. Finalement, ce n’a pas été très compliqué de persuader le comité directeur de l’ACP, dont les dernières réticences ont été levées avec l’idée de ne pas fermer complètement la route aux hommes, en leur permettant de s’inscrire gratuitement pour faire la route avec les participantes, mais sans les contreparties de l’organisation.
Et j’aime bien cette idée de compromis qui permet de mettre en valeur le cyclisme féminin, et en même temps de partager la route avec ceux qui en ont envie – et qui vont expérimenter ce que ça fait d’être 5 à 10 % dans une organisation !
L’Audax Club Parisien a fourni la solution informatique pour les inscriptions en lignes, les bénévoles se sont impliqués pour faire la feuille de route, imprimer les cartes de route pré-remplies, reconnaître le parcours, faire les déclarations en préfecture, aux assurances… Ils seront présents à l’accueil, sur les ravitos : j’ai vraiment pu m’appuyer sur une équipe.
Ce projet a-t-il était facile à monter ?
Ce projet est facile à monter parce que toutes les portes se sont ouvertes toutes seules, plein de copains mais aussi des inconnues m’ont facilité la tâche via les réseaux sociaux, mais il a pris une ampleur que je n’imaginais pas, avec un succès immédiat ; et comme j’ai vraiment envie que ce soit une belle journée pour toutes et tous, et que je n’ai jamais rien organisé de tel, je stresse un peu !
Les inscriptions
Le départ et l’arrivée se feront à la Cité Fertile, 14 avenue Edouard Vaillant, 93500 Pantin.
L’accueil sur place sera ouvert dès 6 h 30.
L’organisation propose trois sas de départ :
- 7 h : pour celles qui pensent rouler à moins de 20 km/h.
- 7 h 30 : pour celles qui pensent rouler entre 20 et 22km/h.
- 8 h : pour celles qui pensent rouler à plus de 22km/h.
Évidemment, en cas de restrictions liées à l’épidémie de Covid, l’organisation adaptera ces modalités de départ. Inscription et paiement en ligne jusqu’au vendredi 25 juin 20 h.
Plus d’informations sur : https://www.audax-club-parisien.com/organisation/200-nanas-200-km/