10e Raid dans le « Beaujolais des Pierres Dorées »

Du 16 au 20 juin 2024, s’est tenu le RAID VTT proposé par le CoReg Auvergne Rhône-Alpes. Gérard Fresser revient pour nous sur cette aventure.

Cette année, le point de ralliement des 22 raiders et 4 « monos » encadrants (11 VTTAE) est à Sarcey, hôtel Le Chatard (69490), Porte Sud du Beaujolais, entre Roanne et Lyon, où avant-guerre le « claque-pan » des métiers à tisser des canuts résonnait dans chaque demeure. La pierre dorée s’illustre dès notre départ vers le nord. Le Beaujolais des Pierres Dorées, « la Petite Toscane »,  est remarqué aussitôt sur les murs des maisons paysannes, châteaux, murets, lavoirs et églises! Le grès pierre dorée si spécial, une géologie en or (extrait des carrières de Glay à St Germain-Nuelles) est fait de calcaire qui se teinte avec des oxydes de fer, prend cette couleur ocre jaune, teinte chaude révélée au soleil dans les villages de caractère.

Belle montée en Val de Sarcey

16 juin

L’échauffement est rapide dans les montées du GR de Pays des Pierres Dorées, au cœur de la forêt de la Flachère, en Val d’Oingt. Ce printemps copieusement arrosé est superbement fleuri, le chemin bordé de haies de coquelicots et autres essences colorées.

La  »Voie du Tacot », exploitée de 1901 à 1935, de chemin de fer du Beaujolais est devenu piste de randonnée sur l’incontournable Route des Vins et le vignoble du Beaujolais.

Première halte touristique et belle ascension pour la chapelle néo-gothique ND de l’Immaculée conception à St Laurent d’Oingt sur le Mont Joli (436 m), construite en un hiver en 1859 !

Oingt, mérite une pause ! Le village médiéval est un joyau perché, fleuron des pierres dorées, porte fortifiée de Nizy en ultime vestige des fortifications du XIIIe, rues moyenâgeuses imagées de « Tyre-laine », « Coupe-jarret » ou « Traine-cul » , tour du Donjon (XIIIe) pour percevoir les impôts.

Sa fête des conscrits devenue fête des classes, perdure, comme dans tout le Beaujolais. La classe 4 en 2024, réunit tous les jeunes gens nés il y a 20 ans. Enfants et adultes se déguisent aussi. Ce n’est plus réservé aux recrues avant le départ à l’armée. Une occasion de faire la fête du cirque les 19-20 avril derniers !

Col du Chêne (704 m) sur le GR76 entre vignobles et bois, avec de larges panoramas sur la vallée de la Saône et les Alpes par temps clair. Une balade en forme de montagnes russes pour mériter la pause à St Cyr-Le-Chatoux et prendre le café au Parasoir, avec vue plongeante sur le vignoble et le Jura au loin.

Pneu fragile

Le pneu arrière de Philou explose, trop fragile pour ce terrain plein de caillasses ou de quignons de racines. L’assistance le prend en charge, un pneu neuf à monter à l’escale du soir.

Le parcours s’articule entre les rangs de vigne et la vallée de la Vauxonne, jusqu’au gîte du Domaine des Hauts Buyon à St Etienne des Oullières. Un gîte pour vendangeurs car la récolte ici se fait encore à la main, compte 10 000 ceps à l’Ha (seulement 5 000 pour parcelles mécanisées). Les vinifications sont conduites en recherchant un maximum de finesse et de plaisir, en levures indigènes, sans ou avec peu de sulfites, une macération en cuve béton qui favorise la fraîcheur des arômes et la gourmandise.

Le vigneron Christophe Paris et sa femme Pascale offrent une dégustation commentée de leurs vins produits avec rigueur et excellence, accompagnée du saucisson de Bobosse et de fromage du terroir, en appellations Beaujolais et Beaujolais Villages. Une fierté du Pays !

Apéro pineau

Le gamay noir à jus blanc, cépage incontournable du Beaujolais, sert à la production des vins rouges et des vins rosés. Le chardonnay s’épanouit lui aussi sur les terres beaujolaises calcaires pour produire de grands vins blancs. Il existe en tout 12 appellations, dont 10 crus : Saint-Amour (romantique), Juliénas (ambitieux), Chénas (mystérieux),  Moulin-à-Vent (expert), Fleurie (élégant), Chiroubles (naturel), Morgon (passionné), Régnié (caractère fort), Côte-de-Brouilly (délicat) et Brouilly (festif), Beaujolais Villages, Beaujolais (gourmandise).

17 juin

Il pleuviote et ce n’est pas bon pour la vigne qui ne demande pas d’eau. Le mildiou menace, les traitements s’additionnent. Les coteaux de Charentay sont parsemés de châteaux : Néty, Nervers, Pierreux, en perspective dans le crachin, parmi les vignes. 

Bernard Pivot né à Lyon, s’est réfugié à Quincié-en-Beaujolais avec sa mère pendant la guerre, son havre de paix où le « roi-lire » repose désormais depuis le 6 mai 2024, décédé à 89 ans, un enfant du pays. Journaliste, écrivain et depuis 2014, président de l’Académie Goncourt, Bouillon de culture, Apostrophes, les Dicos d’or,  le fervent défenseur du patrimoine et de la culture, était aussi un ardent promoteur du vignoble Beaujolais. Une dictée des enfants du village en hommage posthume ! Ardue est la Côte de Brouilly, emblème du territoire, parmi les coquelicots et les virages en épingle, les charrois entre les vignes mènent à son sommet (484 m), loti de la chapelle Notre Dame des Raisins ou ND des Vendanges (1857), entièrement dédiée au culte du vin : « A Marie, protectrice du Beaujolais » ! Et l’affluence du 8 septembre pour son pèlerinage. Les Matinées Cyclistes du Mont libèrent le col de toute circulation, trois fois par an. La descente est longue vers St Lager, rude pour les poignets,  et son château d’eau à contourner avant Cercié au Val d’Ardières.

Groupe Château de Gros Bois

Beaujeu, non loin de notre rando, était capitale historique du Beaujolais (supplanté par Villefranche-sur-Saône depuis 1540). Sa fête des Sarmentelles en novembre, honore le Beaujolais nouveau, autour de valeurs de partage et de convivialité.

A Régnié-Durette, La Grange Charton est en legs aux Hospices de Beaujeu depuis 1806. D’une architecture remarquable et classée, le logement collectif de vignerons, pourrait devenir un Centre de formation depuis son rachat par la Communauté de Communes Saône-Beaujolais. Notre pause matinale dans sa grande cour permet d’apprécier le lieu.

Les cols se succèdent et les dénivelés positifs s’additionnent : Durbize, Labourons… parmi les coteaux des crus : Villié-Morgon, Chiroubles, Fleurie, Chénas, Moulin à Vent, Juliénas où le chaud soleil se montre pour le déjeuner.

Il est ici question de « Beaujolez-vous » ou de « Rosé Nuits d’été » pour la danse et les marchés nocturnes d’été.

Traversée par les sentiers de St Jacques de Compostelle (Cluny-Le Puy-en-Velay), le Chemin de paix d’Assise (Vézelay -Assise en Italie 1500 Km), le GR76 en traversée des Monts du Beaujolais (180 Km), la Grande Traversée du Rhône (GTR 230 Km – 6500m en D+) et la Grande Traversée des Monts du Lyonnais (180 Km), l’itinérance a une place de choix en Beaujolais. Au Nord,  les sentiers Victor (100 Km) et Estelle (80 Km) parcourent les Crus et les Crêtes du Haut Beaujolais. Au Sud, les 110 km du Tour du Beaujolais des Pierres Dorées sillonnent les villages de caractère.

Comment nos organisateurs ont-ils trouvé ces passages invisibles, parmi les herbes folles, cachés derrière les maisons ? Et ce chemin devenu très boueux des pluies tombées les jours précédents, sans adhérence pour nos pneus pourtant crantés. Jullié affiche en contrebas l’imposant Château de La Roche, juste restauré (XIVe), d’Hélène de Fayol, en limite des collines vineuses et des forêts de résineux, entre Rhône et Saône et Loire.

A Ouroux, une dernière montée retrouve le GR76, le Gîte au Château de Gros Bois (XIXe) est atteint sans les watts, batterie vidée de cette étape longue et pentue! Les vélos méritent quelques soins pour la boue accumulée sur les machines. Chacun s’y affaire pour repartir en vélo propre le lendemain…Petit plateau à l’avant (15 à 23 dents), grand pignon à l’arrière (46 à 53 dents). A ce compte-là, mouliner devient facile dans les grosses cotes.

Goules réjouies

18 juin

Le Beaujolais Vert abandonne les vignes, de coteaux en vallons, en terres plus sauvages et plus rudes, couvertes de forêts de Douglas ou pins d’Orégon. Introduit en Europe depuis l’Amérique du Nord par le botaniste écossais David Douglas dès 1827 et en France à partir de 1842, il peut atteindre 100 m de haut, très utilisé en France pour ses qualités éprouvées. Le tronc est lisse et son duramen dense et rosé, ses aiguilles ne piquent pas.  La forêt de Ranchal est plantée d’épicéas, douglas verts et sapins. Sitôt une coupe rase de la forêt, plusieurs coupes traversées, les digitales pourpres (gant du renard – toxique en digitaline et médicale en régulation du cœur) prennent place partout sur nos randos. Elles forment d’élégantes tiges en fusée qui fleurissent de bas en haut.

A peine 50 m pour s’échauffer depuis le château-gîte relais de chasse de Jean-Robert Mavet et une montée engagée s’étale sur 13 Km de chemins forestiers, pour le col de Crie et son grand vélo au carrefour, la Tour d’observation sur le Mont St Rigaud à Monsols (1009 m), pour tutoyer le ciel, le toit du Rhône. Un site clunisien bientôt UNESCO ! A l’entour, une forêt mixte de type frênaie-charmais « primaire » qui nous cache les horizons…. Le chemin des crêtes et ses cols (Patoux 853 m, Echarmeaux 712 m, Aillets 715 m, Ecorbans 825 m, Favardy 856 m, Croix Nicelle 782 m, La Cambuse 708 m) emprunte souvent le GR7 avant l’interminable descente au Lac des Sapins. Une occasion à mi-parcours de s’arrêter au camp allemand de Kahummhuber-Ranchal ou Bernhardiner (St Bernard) et sa station aux 2 radars, pour une détection des raids de bombardiers anglais entre 1943 et 1944. Un point stratégique sur le GR7 d’aujourd’hui et sa ligne de partage des Eaux, bassins versants de « Méditerranée-Atlantique », Azergues-Saône-Rhône à gauche, Reins-Loire à droite.

Cublize et son Lac des Sapins (443 m)

Un tout nouveau parc multi-activités au bord du lac,  sa piste cyclable sur tout le tour, une digue crée le lac et mène au gîte de Groupe Jean Recorbet. En 1994, la belle ferme en pierres au bord du lac, devient le centre d’hébergement de groupe (74 couchages) et prend en 1995,  le nom de Jean Recorbet, ancien maire de Ronno et exploitant forestier.

L’instant convivial, avec les spécialités apportées par chacun, peut se faire dehors, le temps très clément l’autorise.

19 juin

Tous en selle en vélocipédie dirait Alfred Berruyer, le vélosophe !

Amplepuis, très liée à l’industrie textile en tissage de chanvre et de coton où fut inventée le métier à coudre de Barthélémy Thimonnier (1829), abrite dans l’ancien hôpital, le musée des machines à coudre et une collection de cycles depuis la draisienne de 1818 de Karl Drais von Sauerbronn, baptisée « vélocipède » dans le brevet et pourtant appelée « draisienne ». Cycles et machines à coudre ont de nombreux points communs : objet manufacturé, mêmes constructeurs (Libérator, Triumph, Oméga, Peugeot, Opel …) et aussi même mécanique (une pédale qui entraîne une roue). De quoi en découdre sur le chemin des crêtes, il n’y a qu’une pédalée à l’idée !

Fourneaux était aussi dans le textile (mousseline, plumetis, tergal, broderie). Tarare juste à côté,  est « cité des mousselines » de Georges Antoine Simonet, puis capitale du rideau en tergal. Chirassimont où la présence de tixiers remonte au XVIe, Stevtiss y fabrique de nos jours, ses tissus techniques. St Cyr-de-Valorges (42) fait valoir les Monts du Forez au loin. Montée ardue dans la pierraille, pause méritée et très salutaire au bord d’un étang.

Quelle descente sur Joux ! Attention aux ronces qui se cramponnent à tout (le nez, le maillot, les gants…). Descentes techniques dans les cailloux où nos deux féminines excellent.  A pleine vitesse, elles survolent grosses pierres et racines, du pilotage à l’aise sur leurs deux roues. Gare à la chute Janique ! Il manque une dent sur un plateau…une pierre cognée sans doute ! Le barrage réservoir de Joux (1901-1904) sur la Turdine réputée pour son eau sans calcaire (blanchiment et teinture des tissus), est à l’origine de l’activité textile de Tarare. L’ascension du Mont Chevrier (735 m) parachève cette journée tout en reliefs. Le village Les Sauvages est juché tout-la-haut où le Gîte des Sylvageois (70 couchages) nous attend. La Rotonde abritera les vélos.

20 juin

Le Col du Pin Bouchain (758 m) coupe la N7, route impériale Lyon-Roanne. GR7 et GRP Terre des Tisseurs en Forez se rejoignent. Après son abdication à Fontainebleau, Napoléon Bonaparte sur la route de l’exil pour l’Ile d’Elbe, avril 1814, fait une halte savoureuse à Machézal, sous la garde du feldmaréchal autrichien Köller, du général russe Schouwaloff, du général prussien Waldburg Truchsess et du colonel anglais Campbell. Au relais de poste aux chevaux du Pin Bouchain-Machézal, un buste de l’Empereur est visible de la route (encore aujourd’hui le long de l’ancienne RN7). Bonaparte commande deux œufs au plat. Sophie Viallier, la fille de l’aubergiste, sert l’Empereur qui lui demande combien il doit. « Un Louis de 24 livres par œuf », dit « La Sophie », maîtresse-femme. « Les œufs sont-ils si rares dans votre pays pour qu’ils soient si chers ? », interroge Napoléon. « Ce ne sont pas les œufs qui sont rares, ce sont les empereurs ! » Il y a une forte tempête de neige, tandis qu’il doit redescendre sur Tarare où on ne voit pas à 10 mètres. Sophie Vallier lui dit : ‘je veux bien vous servir de pilote’ et elle attache un foulard blanc à l’arrière de son cheval, partie devant et Napoléon et son escorte la suivent, pas à pas en descente sur Tarare« .

Violay (Loire), teinté de délicatesse inspirée de la violette, au cœur des Monts du Lyonnais, vante son escale possible au col de la Croix Casard, juste avant la montée au Mont Boussuivre-Forez (1004 m). La Tour Matagrin (édifiée en 1876) aux escaliers raides, est sur le point culminant des Monts du Lyonnais dans la forêt de Douglas, panorama sur 14 départements. La borne Point Trigo Napoléonienne NOV 1812″, insérée dans la construction, est un point de triangulation géodésique de la France (814 triangles).

Villechenève où la Madone de la vierge à l’enfant sur le mont Rampeau, est devenue symbole de la ville, la tour serait une construction en 1869 des soldats revenus des guerres sous Napoléon. 

Le Chemin des Crêtes et le panorama au belvédère du Mont Popey clôturent le raid avant l’arrivée à Sarcey. Une belle épopée, conduite par nos experts cyclotouristes, bien dans la tradition de Michel Plas : beaux parcours en découvertes de l’Auvergne-Rhônes-Alpes sur 245 Km et 6720 m de dénivelé positif.

Texte et photos : Gérard Fresser, Vélosophe sur les chemins de mémoire, Vélosophe chercheur en chemins
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2 commentaires

  • Dumas thierry says:

    Une bien belle évocation « cyclotouristique » de ce 10 ° raid. L’ ambiance est magistralement bien relatée. Un salut à toute l’ équipe des encadrants jusqu’ aux participants.

  • GGO says:

    Bonjour,
    Belle contribution historique de notre narrateur Gérard Fresser, chercheur en chemins. G.Goinaud

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