Séjour Gravel en Espagne : Montañas Vacías en bicicleta

Quelques membres du Vélo club de Neuilly-sur-Seine sont parties à la découverte de la « Laponie espagnole » en gravel bike. Visite guidée en compagnie de Nicolas Honoré.

La vocation première de la Section cyclotouriste du VCN est de permettre à tous – du débutant au plus ambitieux – de pratiquer son sport avec plaisir, mais aussi et surtout, d’entretenir un climat de convivialité et d’amitié. Le slogan du club : « Le plaisir à vélo ».

Du premier au dernier, le club cultive le goût de l’effort et partage les valeurs du cyclotourisme à savoir la bonne humeur, l’esprit club et surtout l’entraide. Car comme le souligne le président, être dans un club, c’est s’apporter mutuellement, s’entraider à l’entraînement comme dans la vie.

Le récit de Nicolas Honoré

Nous sommes à Teruel, dans la région d’Aragon en Espagne, où les itinéraires vélo peuvent être grandioses. Et si vous troquez votre vélo de route pour un gravel bike, vous aurez pris la bonne décision.

Dans cette région que certains appellent « Laponie espagnole » tellement il y a peu d’habitants, existe depuis quelques années un circuit dont la renommée n’est plus à faire. On en parle au-delà de ses frontières, en Europe et plus loin encore. Il s’agit des Montañas Vacías (montagnes vides) ; 13 000 m de dénivelé positif, 700 km de chemins de terre, de sentiers en forêts, de pistes en montagne et quelques portions goudronnées (20 %) pour reposer les jambes. Cerise sur le gâteau, vous n’êtes jamais dérangé, la région est extrêmement calme !

Nous sommes partis à trois. Jean-Baptiste et moi, en gravel bike, accompagnés par ma femme Isabel, assurant la logistique en voiture, car nous avions décidé de séjourner chaque soir dans une chambre d’hôtes ou un hôtel.

Pour l’itinéraire, comme c’était début octobre donc avec des journées courtes, nous l’avons découpé en six étapes. Cela a permis de rouler sans avoir le nez sur le compteur ou l’horaire en permanence et d’avoir de la marge en cas de pépin mécanique. Bien nous en a pris, car à deux reprises l’arrivée s’est déroulée en pleine nuit.

Teruel – Griegos / 123 km – 2 670 m D+


À la suite de problèmes mécaniques (deux roues cassées la veille lors du transport) Jean-Baptiste est parti seul au petit matin. Je l’ai rejoint à 40 km de la fin avec des roues neuves. Il a pris la piste qui part vers l’ouest de Teruel, traversé les sites historiques de la guerre d’Espagne de 1936 et fait une première pause à Albarracin, magnifique forteresse entourée de murailles autour d’un beau village à flancs de montagne, datant de l’époque mauresque de l’Espagne médiévale.

En sortant, la route est raide et quelques passages à pied sont inévitables. À 15 h, Isabel me dépose à Bronchales où Jean-Baptiste nous rejoint. Déjeuner de jamon y quesos puis nous repartons sous la pluie. Sur la route nous croisons un couple d’Américains qui a entrepris le même périple mais en tandem gravel ! Original et bravo à eux ! Nos routes se croiseront plusieurs fois par la suite.

Une heure plus tard nous arrivons à Griegos. Le village est un des plus froids de la région et avec l’humidité nous sommes contents de pouvoir trouver des chambres avec du chauffage. Un petit bar restaurant à côté nous sert ce qu’il a en guise de dîner car en cette saison, à part des cueilleurs de champignons, il n’y a personne.

Griegos – Zaorejas / 134 km – 1 810 m D+


Nous partons vers 9 h ; il fait deux degrés. Heureusement l’air est sec et nous sommes très vite réchauffés d’autant plus que la piste est superbe. Nous naviguons entre pâtures et forêts de sapins. Après deux chevreuils, nous voyons même un cerf passer juste devant nous tranquillement. Il nous ignore, il est chez lui. La piste est large et roulante même si nous devons louvoyer autour de pierres plus ou moins grosses sous nos pneus de 35 ou 40 mm.

Très vite nous arrivons aux sources du Tage, ce fleuve immense qui traverse l’Espagne et se jette dans l’Atlantique à Lisbonne (Portugal). L’endroit doit être assez touristique car il y a un parking, quelques statues de chevaliers du Moyen-Âge et d’un taureau, symbole de Teruel, mais nous ne voyons toujours personne. Ce sera une constante pour tout le séjour.

Au kilomètre 50, dans une grande descente, en zigzaguant entre les ornières, mon pneu arrière crève. Je n’arrive pas à m’arrêter car mon frein avant ne répond pas bien. J’entends la roue arrière craquer de partout, mon bidon à outils est éjecté et une fois à l’arrêt je constate que ma roue arrière est cassée en trois endroits. Jean-Baptiste lui aussi a crevé. Nous mettrons deux heures trente à réparer comme on pourra (mèches, rustines, cartouches de gaz, chambres à air, plaque de caoutchouc sur une hernie, etc.). Nous repartons mais ma roue est de plus en plus voilée et les hernies la font rebondir. Et 12 km plus loin, au village de Checa, j’abandonne. Jean-Baptiste continuera seul.

 
Je repars en voiture à Teruel pour trouver une nouvelle roue.  Après l’avoir trouvée et  prêtée gentiment par un vélociste, le soir à Zaorejas Jean-Baptiste arrivera seul vers 22 h. Nous sommes dans la salle du seul restaurant du village et à travers les fenêtres nous apercevons au loin ses lumières dans la nuit avancer dans la montagne… Quelle étape ! Mais Jean-Baptiste aura eu la chance de traverser le Tage sur très beau un pont suspendu de bois.

Tro Zaorejas – Tragacete  / 123 km – 1 700 m D+


Le temps est magnifique. Nous traversons dès le matin une forêts avec des pins à perte de vue. Comme d’habitude pas un chat et nous profitons tranquillement de cette journée. Peu de dénivelé, météo superbe, ça roule tout seul.

Nous longeons quelques lacs et barrages avant d’arriver à destination. Nous devions dormir à Beamud mais impossible d’y réserver des chambres donc nous sortons de l’itinéraire officiel pour remonter à Tragacete.

Tragacete – Torrebaja / 123 km – 2 063 m D+


Gravel costaud cet après-midi. Pentes raides. Grosses pierres en montées comme en descentes, freins toujours activés ou presque. Ornières d’un autre monde. Mais ça passe et on s’amuse pour passer sans poser le pied à terre. Heureusement que les paysages sont magiques. À faire absolument si vous voulez voir autre chose. Magique.

Torrebaja – Linares de Mora / 134 km – 3 100 m D+


C’est l’étape reine avec deux sommets à plus de 2 000 et surtout l’ascension du fameux Javalambre ! On a jusqu’ici rarement mis pied à terre à vélo, mais là no choice. Sur 200, 300 ou 400 m au total impossible de passer sans forcer comme un malade.

Cette ascension du Ventoux local (el pico de Javalambre) est longue et énorme. Uniquement accessible avec un VTT, un gravel ou à pied. Compteur bloqué à 5 km/h… quelle galère ! Le GPS s’affole en permanence. En veux-tu en voilà des pentes à 13, 14, 15, 18 % sur des pierriers… prochaine fois que je vois Ernesto le créateur de cet itinéraire je lui tire les oreilles… Heureusement que les paysages sont toujours aussi grandioses avec ces vues à des kilomètres, et ce calme total !

Nos seuls compagnons de route auront été des cueilleurs de champignons une fois de plus, des troupeaux de moutons, des chevreuils et un beau troupeau de vaches paissant sur la route. Pas de clôture ici. La montagne est pour elles !

L’arrivée à Linares de Mora se fera de nuit. Hélas ! Car ce village est de toute beauté. Nous dormons dans un ancien petit hôpital de montagne et le dîner se déroule dans son ancienne chapelle. Le dépaysement continue ! Cette journée sera un très beau souvenir.

Linares de Mora – Teruel / 90 km – 1 710 m D+


Dernière étape choisie courte afin de profiter au maximum de l’instant présent et de finir sans trop de stress sur le rythme. Mais quand même deux sommets à 2 000 m. Et bien sûr de belles pistes en caillasses ou en terre pour ne pas s’ennuyer. Je finis fatigué mais heureux au pied du « Taurico » de Teruel.

Décidément une bien belle aventure


Oui belle aventure, tant au niveau des paysages que de l’esprit exigeant et quelque peu sportif de l’itinéraire.

Pour aller encore plus loin, il existe dorénavant deux variantes de ce même parcours. La version XL avec 1 040 km et 18 000 m de D+. Et la version XXL avec 1 720 km et 31 000 m de D+. Et même une version 100 % route existe.

 
Bref, que du bonheur ! Évadez-vous ! Plongez !

 

Quelques liens utiles   

Le site de cet itinéraire :  www.montanasvacias.com (tout y est ou presque).

Pour rejoindre le club Cyclo de Neuilly-sur-Seine : https://vcneuilly92.fr/cyclotourisme

 

Retrouvez tous les mois des articles voyages à vélo dans la revue Cyclotourisme, la revue officielle de la Fédération française de cyclotourisme.

Cet article est à retrouver dans sa version intégrale dans la revue Cyclotourisme du mois de janvier 2022 (n°719)

Texte : Nicolas Honoré remanié par Jean-Pierre Giorgi – Photos : Nicolas Honoré et Jean-Baptiste Catté
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